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ANNÉE 1727.

qui vit à sa terre, près de Rouen[1]. Elle vous recevra comme vous le méritez. Vous y trouverez deux ou trois de mes amis intimes, qui sont vos admirateurs, et qui ont appris l’anglais depuis que je suis en Angleterre. Tous vous témoigneront les égards, et vous procureront les plaisirs qui seront en leur pouvoir. Ils vous donneront cent adresses pour Paris, et vous fourniront toutes les commodités convenables. Daignez me faire part de votre résolution : je me donnerai assurément toutes les peines possibles pour vous rendre service, et pour faire connaître à mon pays que j’ai l’honneur inestimable d’être de vos amis. Je suis avec le plus grand respect et estime, etc.



173. — À M. LE COMTE DE MORVILLE[2],

ministre des affaires étrangères.
1727.

Monseigneur, je me suis contenté jusqu’ici d’admirer en silence votre conduite dans les affaires de l’Europe ; mais il n’est pas permis à un homme qui aime votre gloire, et qui vous est aussi tendrement attaché que je le suis, de demeurer plus longtemps sans vous faire ses sincères compliments.

Je ne puis d’ailleurs me refuser l’honneur que me fait le célèbre M. Swift de vouloir bien vous présenter une de mes lettres. Je sais que sa réputation est parvenue jusqu’à vous, et que vous avez envie de le connaître ; il fait l’honneur d’une nation que vous estimez. Vous avez lu les traductions de plusieurs ouvrages qui lui sont attribués. Eh ! qui est plus capable que vous, monseigneur, de discerner les beautés d’un original, à travers la faiblesse des plus mauvaises copies[3] ?

Je crois que vous ne serez pas fâché de dîner avec M. Swift et M. le président Hénault ; et je me flatte que vous regarderez comme une preuve de mon sincère attachement à votre personne la liberté que je prends de vous présenter un des hommes les plus extraordinaires que l’Angleterre ait produits, et le plus capable de sentir toute l’étendue de vos grandes qualités.

Je suis, pour toute ma vie, avec un profond respect et un attachement rempli de la plus haute estime, monseigneur, etc.

Voltaire.
  1. Mme de Bernières.
  2. Charles Jean-Baptiste Fleurian, comte de Morville, fils du garde des sceaux d’Armenonville, né le 30 octobre 1686, fut chargé, après la mort du cardinal Dubois, du portefeuille des affaires étrangères, qu’il conserva jusqu’au 19 août 1727. Mort en février 1732.
  3. La traduction des Voyages de Gulliver, par Desfontaines, venait de paraître.