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CORRESPONDANCE.

et particulièrement comment se porte monsieur votre père, qu’on m’a dit qui étoit malade. Je vous prie que notre commerce de lettres ne soit point interrompu, puisque l’amitié dont vous m’honorez ne l’a jamais été. Enfin je n’ay plus rien à vous dire. On est un peu embarrassé quand on écrit à une personne d’esprit. Pardonnez moy donc, mon cher monsieur, si la stérilité où je me trouve, non de sentiments mais d’expressions, me fait mettre un peu plus tôt que je ne voudrois cette formule ordinaire que les amis et les personnes indifférentes placent indifféremment à la fin d’une lettre agréable ou ennuyante ; l’ennuyant peut fort bien me convenir, mais non pas l’indiffèrent. Et c’est avec sincérité et avec toute l’affection et tout le respect possible que je suis et seray toujours votre très-humble et très-obéissant serviteur et amy,

Arouet.

Vous voulez bien, monsieur, que j’ajoute icy quelques mots pour le père Polou, le père Thoulier[1] et notre régent, qui tous trois m’ont chargé de vous marquer combien ils vous estiment et vous honorent. Je vous fais aussi des compliments de la part de M. Perrot ; pour vos autres amis je crois qu’ils s’en acquittent eux mesmes. Adieu encor une fois, mon cher monsieur, je souhaite avec passion de vous voir, et je finis avec peine quoyque je ne vous dise rien de bon.

Si je ne vous écris que cinq jours aprez que votre lettre est arrivée, c’est que je ne l’ay receüe qu’en sortant de la retraitte.


3[2]. — À M. FYOT DE LA MARCHE.

À Paris, ce 3 juin[3].

Vous me parlez, monsieur, du ton dont je devrois vous parler : je vous asseure que loing d’être au donjon dudit chastau, je n’en connois pas mesme les avenuës, et je vous avoueray plus sincèrement que vous que j’ay pris un chemin tout-à-fait opposé, et qu’aprez votre départ du collége, j’ay profité moins que jamais de vos bons exemples. Laissant la fiction des lunettes dont je ne sçay point me servir, et du chastau ou je n’ay jamais habité, je vous diray qu’en quelque état que vous soyez je serois trop heu-

  1. Ou autrement l’abbé d’Olivet, qui fut quelque temps chez les jésuites. Il témoignait beaucoup d’affection à Voltaire et au jeune Fyot de La Marche. (H. B.)
  2. Publiée dans Voltaire au collége.
  3. 1711.