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CORRESPONDANCE.

modernes, en toutes langues, je puis vous assurer que monsieur le garde des sceaux ne fera aucun scrupule de laisser paraître l’ouvrage, quand le privilège du roi n’y sera pas.

Dans ce pays-ci il me semble qu’on doit plus ménager Stanislas qu’Auguste : aussi je me flatte que sa fille Marie ne me saura pas mauvais gré du bien que j’ai dit de monsieur son père. Qui peut donc arrêter monsieur le premier président ? Je ne doute pas que vous n’en veniez à bout, mon cher Cideville, et que je n’aille bientôt dans la basse-cour du grand Corneille commencer incognito quelque tragédie, avec l’intercession de ce grand saint.

Adieu : que le premier tome ne déplaise pas, et je réponds du reste. J’attends avec impatience la conclusion de vos bontés. Tout le monde me croit ici en Angleterre, Tant mieux :

Moins connu des mortels, je me cacherai mieux[1]

Mille compliments à M. de Lézeau ; un profond secret, et de vos nouvelles. Je vous aime tendrement ; je vous embrasse de tout mon cœur, et j’espère entendre parler de vous incessamment.



210. — À M. DE CIDEVILLE,
rue de l’écureuil, à rouen
À Paris, ce 2 mars 1731.

Comme je vis ici moitié en philosophe, moitié en hibou, je n’ai reçu qu’hier votre lettre du 27, et les vers que vous m’aviez envoyés par M. de Formont. Thieriot, qui ne sait pas même ma demeure, ne put me rendre les vers qu’hier. Ce fut une journée complète pour moi de recevoir, en même temps, les bonnes nouvelles que vous me mandez, et les beaux vers dont vous m’honorez. Il y a, mon cher ami, des choses charmantes dans votre épître : il y a naïveté, esprit, et grâce. Ce même esprit, qui vous fait faire de si jolies choses, vous en fait aussi sentir les défauts. Vous avez raison de croire votre épître un peu trop longue, et pas assez châtiée.

Réprimez, d’une main avare et difficile,
De ce terrain fécond l’abondance inutile.
Émondez ces rameaux confusément épars ;
Ménagez cette sève, elle en sera plus pure.

  1. Phèdre, acte V, scène vii.