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ANNÉE 1731.

méprisent Virgile, mais à ceux qui le possèdent, d’écrire en français.

Venons maintenant, mon cher Favières, à votre traduction du Printemps, ou, plutôt, à votre imitation libre de cet ouvrage. Vos expressions sont vives et brillantes, vos images bien frappées ; et, surtout, je vois que vous êtes fidèle à l’harmonie, sans laquelle il n’y a jamais de poésie.

Il faudrait vous rappeler ici trop de vers, si je voulais marquer tous ceux dont j’ai été frappé. Adieu ; je vais dans un pays ou le printemps ne ressemble guère à la description que vous en faites l’un et l’autre. Je pars pour l’Angleterre[1] dans quatre ou cinq jours, et suis bien loin assurément de faire des tragédies.

Frange, miser, calamos, vigilataque prœlia dele.

(Juven,., Sat. I, ep. VII, v. 27.)

J’ai renoncé pour jamais aux vers,

Nunc… versus et caetera ludicra pono.

(Hor,., lib. I, ep. I, v. 10.)

Mais il s’en faut bien que je sois devenu philosophe, comme celui dont je vous cite les vers. Adieu ; je vous aime en vers et en prose, de tout mon cœur, et vous serai attaché toute ma vie.



212. — À M. THIERIOT.

Le 1er Mai

Je vous écris enfin, mon cher Thieriot, du fond de ma solitude, où je serais le plus heureux homme du monde si les circonstances de ma vie ne m’avaient rendu d’ailleurs le plus malheureux. Je compte quitter dans peu ma retraite pour venir vous retrouver à Paris. En attendant recevez mes compliments sur les succès flatteurs et solides de votre héroïne[2]. Je ne saurais plus résister à vous envoyer cette pièce[3] que vous m’avez si souvent demandée :

Et dût la troupe des dévots.
Que toujours un pur zèle enflamme,

  1. C’est-à-dire pour Rouen, d’où furent écrites les cinq premières lettres qui suivent celle-ci Voltaire, voulant publier plus tranquillement l’Histoire de Charles XII, et une nouvelle édition de la Henriade, alla passer quatre ou cinq mois à Rouen et à Canteleu, en laissant croire qu’il était retourné à Londres.(Cl.)
  2. Mlle  Sallé, qui était alors à Londres.
  3. Voyez, tome IX, les vers sur la mort d’Adrienne Lecouvreur.