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ANNÉE 1731.

Mon cher ami, j’écrivis avant-hier à M. de Cideville un petit mot qui doit vous plaire à tous deux : c’est que je corrige Ériphyle, elle n’est encore digne ni du public, ni même de moi chétif. J’avais cru facilement que les beautés de détail qui y sont répandues couvriraient les défauts que je cherchais à me cacher. Il ne faut plus se faire illusion ; il faut ôter les défauts, et augmenter encore les beautés. L’arrivée de Théandre, au troisième acte, ce qu’il dit au quatrième et à la fin de ce même quatrième acte, me paraissent capables de tout gâter. Il y a encore à retoucher au cinquième. Mais, quand tout cela sera fait, et que j’aurai passé sur l’ouvrage le vernis d’une belle poésie, j’ose croire que cette tragédie ne fera pas déshonneur à ceux qui en ont eu les prémices, à mes chers amis de Rouen, que j’aimerai toute ma vie, et à qui je soumettrai toujours tout ce que je ferai. Vous m’avez envoyé tous deux des vers charmants, et je n’y ai pas répondu.


Mais, chers Formont et Cideville,
Quand j’aurai fait tous les enfants
Dont j’accouche avec Ériphyle,
Prêtez-moi tous deux votre style,
Et je ferai des vers galants
Que l’on chantera par la ville.


Je vous en dirais bien davantage, sans les douleurs où je suis. Rien ne pouvait les suspendre que votre charmante épître.



224. — À M. DE FORMONT.
À Paris, ce 8 septembre.

Je reçois trois de vos lettres ce matin. Je réponds d’abord à celle qui m’intéresse le plus, et vous vous doutez bien que c’est celle qui contient les vers sur la mort de ce pauvre M. de La Faye.


Vos vers sont comme vous, et, partant, je les aime ;
Ils sont pleins de raison, de douceur, d’agrément :
En peignant notre ami d’un pinceau si charmant,
Formont, vous vous peignez vous-même.


J’ai déjà mandé à M. de Cideville que Jules César avait désarmé la critique impitoyable de M. de Maisons, mais qu’il tenait encore bon contre Ériphyle.

Je ne sais si je vous ai fait part du discours que m’a tenu le jeune M. de Chauvelin, vrai protecteur des beaux-arts. « Avez-vous fait imprimer Charles XII ? » m’a-t-il dit ; et sur ce que je