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Rivière, avec M. de Formont. Je me fais de tout cela une idée bien consolante. Tâchez d’induire Mme de Bernières à prendre ce parti. Dites-lui, je vous, en prie, qu’elle m’écrive ; que je lui serai toujours attaché, et que, si elle a quelques ordres à me donner, je les exécuterai avec la fidélité et l’exactitude d’un vieil ami. Adieu ; je vous embrasse tendrement.


313. — Á M. THIERIOT,
à londres.
Paris, 24 février.

Voulez-vous savoir, mon cher Thieriot, tout ce qui m’a empêché de vous écrire, depuis si longtemps ? Premièrement, c’est que je vous aime de tout mon cœur, et que je suis si sûr que vous m’aimez de même que j’ai cru inutile de vous le répéter ; en second lieu, c’est que j’ai fait, corrigé, et donné au public Zaïre ; que j’ai commencé une nouvelle tragédie, dont il y a trois actes de faits ; que je viens de finir le Temple du Goût, ouvrage assez long et encore plus difficile ; enfin que j’ai passé deux mois à m’ennuyer avec Descartes, et à me casser la tête avec Newton, pour achever les Lettres que vous savez. En un mot, je travaillais pour vous, au lieu de vous écrire, et c’était à vous à me soulager un peu dans mon travail par vos lettres. C’est une consolation que vous me devez, mon cher ami, et qu’il faut que vous me donniez souvent.

Vous avez dû recevoir, par monsieur votre frère, un paquet contenant quelques Zaire adressées à vos amis de Londres : je vous prie surtout de vouloir bien commencer par faire rendre celle qui est pour M. Falkener : il est juste que celui à qui la pièce est dédiée en ait les prémices, au moins à Londres, car l’édition est déjà vendue à Paris. On a été assez surpris ici que j’aie dédié mon ouvrage à un marchand et à un étranger ; mais ceux qui en ont été étonnés ne méritent pas qu’on leur dédie jamais rien. Ce qui me fâche le plus, c’est que la véritable Èpître dédicatoire a été supprimée par M. Rouillé, à cause de deux ou trois vérités qui ont déplu, uniquement parce qu’elles étaient vérités. L’épître qui est aujourd’hui au-devant de Zaïre n’est donc pas la véritable[1]. Mais ce qui vous paraîtra assez plaisant et très-digne d’un poëte, et surtout de moi, c’est que, dans cette véritable épître, je promettais de ne plus faire de tragédies, et que, le jour

  1. Elle se retrouve dans les variantes imprimées pour la première fois en 1820.