Les lettres charmantes que vous écrivez, madame, et celles qu’on vous envoie, tournent la tête aux gens qui les voient, et donnent une furieuse envie d’écrire. Mais je n’ose plus écrire en prose, depuis que je vois la vôtre et celle de votre amie[2].
Ce style aimable et gracieux,
Et cette pose si polie,
Me font voir que la poésie
N’est pas le langage des dieux.
Je suis réduit à ne vous parler qu’en vers, par vanité : car, si vous et votre amie vous vous avisiez jamais de faire des vers, je n’oserais plus en faire. Vous avez pris pour vous toutes les grâces de l’esprit et du sentiment ; il ne me reste plus que des rimes. Je vous rimerai donc que
Dans l’asile de ma retraite
Je fuyais les chagrins, j’ai trouvé le bonheur ;
Occupé sans tumulte, amusé sans langueur,
Je méprise le monde, et je vous y regrette ;
L’étude et l’amitié me tiennent sous leur loi :
Sage, heureux à la fois, dans une paix profonde,
Je bénis mon destin d’être ignoré du monde ;
Mais il sera plus doux si vous pensez à moi.
Permettez, madame, que j’assure M. de Forcalquier de mon tendre dévouement.
J’aime sa grâce enchanteresse,
Il parle avec esprit, et pense sagement :
Nos vieux barbons font cas de son discernement,
Et notre brillante jeunesse
Veut imiter son enjouement ;
Avec tant d’agréments qui le suivent sans cesse,
N’obtiendra-t-il jamais celui d’un régiment ?
J’ai senti assurément plus de joie, monsieur, en lisant votre lettre que vous n’en avez eu en lisant le Temple du Goût. Votre ap-