Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/379

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le Temple du Goût sans vous, au lieu qu’ils ne peuvent tenir que de vous la critique des Pensées de M. Pascal, petit ouvrage assez intéressant, et qui doit vous procurer encore du bénéfice, à proportion de la curiosité qu’une nation pensante doit avoir pour une entreprise aussi hardie que celle d’écrire contre un homme comme Pascal, que les petits esprits osent à peine examiner. C’est donc uniquement dans cette idée que j’ai revu cette petite critique, que je l’ai corrigée, et que je la fais imprimer ; j’en attends actuellement les deux dernières feuilles, et je vous enverrai le tout à l’instant que je l’aurai reçu. Je vous supplie donc de tout suspendre jusqu’à la réception de ce paquet ; alors vous conformerez votre préface aux choses que contiendra votre volume ; et, si vous m’en croyez, vous garderez l’édition du Temple du Goût pour le joindre à mes petites pièces fugitives dans un an ou deux.

Je ne peux réserver l’impression de mon petit Anti-Pascal pour une seconde édition, parce que, si l’on doit crier, j’aime bien mieux qu’on crie contre moi une fois que deux, et qu’après avoir parlé si hardiment dans mes Lettres anglaises, venir encore attaquer le défenseur de la religion, et renouveler les plaintes des bigots, ce serait s’exposer à deux persécutions dont la dernière pourrait être d’autant plus dangereuse que la première ne sera pas sans doute sans une défense expresse d’écrire sur ces matières, comme on défendit à la comtesse de Pimbêche de plaider de sa vie[1].

Ma seconde raison est que ceux qui auraient acheté la première édition, qui se vendra assez cher, seraient très-fâchés d’être obligés de l’acheter une seconde fois, pour une petite augmentation ; et que les misérables insectes du Parnasse ne manqueraient pas de dire que c’est un artifice pour faire acheter deux fois le même livre bien cher.

Ma troisième raison est que la chose est faite, et qu’il faut en passer par là.

À l’égard de la petite pièce de vers à Mlle  Sallé, je pense qu’il la faut sacrifier aussi dans un ouvrage tel que celui-ci, où les choses philosophiques l’emportent de beaucoup sur celles d’agrément, et où la littérature n’est traitée que comme un objet d’érudition. De plus, la petite Épître à mademoiselle Sallé ayant déjà été imprimée, pourquoi la donner encore dans un ouvrage qui n’est pas fait pour elle ? Tenez-vous-en donc, je vous en supplie, aux

  1. Les Plaideurs, acte I, scène vii.