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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/476

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est trois personnes ? Mme du Châtelet compte aller, dans trois jours, à la Neuville ; mais savez-vous bien ce que vous devriez faire ? Il serait charmant que vous vinssiez incessamment dîner à Cirey. Vous vous en retourneriez le même jour si vous vouliez, et même on vous prêterait des chevaux pour courir plus vite. Vous verriez cette Mme du Châtelet que vous aimez. Vous verriez son établissement. Nous passerions sept ou huit heures ensemble ; et puis, dès qu’il y aurait des rideaux dans la maison, pour le coup on irait vous enlever. Elle a, entre autres, un petit phaéton léger comme une plume, traîné par des chevaux gros comme des éléphants. C’est ici le pays des contrastes ; mais je suis réuni avec la maîtresse de la maison dans l’attachement que j’aurai toujours pour vous.


446. — Á M. BERGER.
Cirey, le 2 décembre.

Je ne sais point, monsieur, partager les profits d’une affaire dans laquelle je ne mets point de fonds ; que je ne connais, et que je ne veux connaître que pour rendre service. J’ai déjà écrit à la personne en question pour vous faire avoir l’intérêt que vous désirez. Je vous instruirai de sa réponse aussitôt que je l’aurai reçue. L’intérêt ne m’a jamais tenté, et je n’ai jamais eu, sur cet article, autre chose à me reprocher que d’avoir fait plaisir, et d’avoir prodigué mon bien à des amis ingrats. L’abbé Mac-Carthy[1] n’est pas le dixième qui m’ait marqué de l’ingratitude ; mais c’est le seul qui ait été empalé. Parmi les infâmes calomnies dont j’ai été accablé, l’accusation d’avoir eu part à la publication des Lettres philosophiques m’a été une des plus sensibles. On disait que je les faisais vendre pour en retirer de l’argent, tandis qu’en effet je n’épargnais ni soins ni argent pour les supprimer. Je suis bien aise d’être loin d’un pays où de si lâches calomnies ont été ma seule récompense, et je crois que je n’y reviendrai de longtemps.

Je vous remercie, monsieur, de l’amitié que vous voulez bien me conserver, et des nouvelles que vous me mandez. Si j’avais fait quelque chose de nouveau, en poésie, je me ferais un plaisir de vous l’envoyer ; mais les choses auxquelles je m’occupe présentement sont d’une tout autre nature. Je vous prie seulement, à propos de poésie et de calomnie, de vouloir bien vous opposer à

  1. Voyez les lettres 134, 250, 379.