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Write me by the next post, at the same address. Let me know whether the author of the Pour et Contre[1] is at London. Have you any news about literature ? Farewell, I am your’s for ever[2].


454. — L’ABBÉ PRÉVOST Á M. THIERIOT[3].
1735.

I received your magazines, Jacoh’s Works, etc., and every thing shall be kept in good order, to return in your hands when I am in Paris. But

  1. L’abbé Prévost.
  2. Traduction : Votre lettre, mon cher ami, a été pour moi une des plus douces consolations que j’ai reçues dans ma longue tribulation ; mais j’ai tort de nommer ainsi ce qui m’est arrivé, car un malheur qui m’a valu tant de témoignages de la plus grande amitié est plutôt un bonheur qu’une infortune. Je n’ai jamais été si bien aidé par toutes mes connaissances. Il semblait qu’il y eût entre mes amis une sorte de ligue contre mes ennemis ; mais je vous assure que rien ne m’a tant soulagé et ne m’a été plus agréable que les nouvelles assurances de votre affection. Vous êtes prêt, me dites-vous, à laisser l’Angleterre pour venir me trouver. Est-il vrai ? Pourriez-vous me donner une telle preuve de la bonté de votre cœur ? Venez donc, mais venez à Paris ; j’y serai probablement à Noël. Vous savez que j’ai une petite maison où il y a un joli appartement que je puis offrir à un ami. Qui vous empêche donc de me donner la satisfaction de vous posséder ? N’avez-vous pas respiré assez longtemps l’air froid et humide de Londres ? Si je n’avais consulté que mon amour pour la liberté et mon désir de vivre près de vous, je serais certainement parti en poste pour Covent-Garden et Russel-street : mais j’étais cloué en France par tous les services que mes amis m’ont rendus. Je ne pouvais sans ingratitude abandonner mes propres affaires, dont ils ont pris un soin si infatigable et si utile. Comptez que si ce n’eût été pour cela, je serais allé passer le reste de mes jours à Londres ; mais, tant que je serai aimé aussi vivement en France par quelques personnes, il me sera impossible de chercher un autre asile. Où est l’amitié est la patrie. Venez donc renouveler avec moi les liens de cette vertu sacrée et inaltérable. Que votre proposition ne soit pas l’enthousiasme passager d’une âme tendre, mais la ferme résolution d’un esprit ferme et vertueux. Venez, mon cher, je vous en conjure. Il est certain que je n’ai plus que peu d’années à vivre : ne me privez pas du plaisir de passer ces moments avec vous. J’ai écrit plusieurs choses que je suis impatient de vous montrer. La satisfaction que peut faire éprouver à un véritable ami la communication de mes pensées est pour moi bien au-dessus des vains applaudissements du public.

    Avez-vous lu le petit et trop petit livre écrit par Montesquieu sur la décadence de l’empire romain ? Ce livre est loin d’être ce qu’il devrait être ; mais cependant il contient plusieurs choses qui méritent d’être lues, et c’est ce qui me fâche encore plus contre l’auteur, qui a traité si légèrement une matière si importante. Cet ouvrage est plein d’indications. C’est moins un livre qu’une ingénieuse table des matières, écrite dans un style original. Mais, pour pouvoir s’étendre pleinement sur un pareil sujet, il faut être libre. À Londres, un auteur peut donner un libre cours à ses pensées ; ici, il doit les restreindre : nous n’avons ici que la dixième partie de notre âme. Adieu ; la mienne est entièrement attachée à la vôtre.

    Écrivez-moi par le prochain courrier à la même adresse. Faites-moi savoir si l’auteur du Pour et Contre est à Londres ? Avez-vous appris quelques nouvelles sur la littérature ? Adieu. Tout à vous pour toujours.

  3. Pièces inédites, 1820.