Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/519

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dinal. Son livre est un gros panégyrique ; et il fait réimprimer de vieilles oraisons funèbres pour servir de preuves.

Que dites-vous des petits Mémoires[1] du roi Jacques ? Ne vous semblent-ils pas, comme ce roi, un peu plats ? Et puis, voulez-vous que je vous dise tout ? je crois qu’il n’y a homme sur terre qui mérite qu’on fasse sur lui deux volumes in-4o. C’est tout ce que peut contenir l’Histoire du siècle de Louis XIV, car tout ce qui a été fait ne mérite pas d’être écrit ; et, si nous n’avions que ce qui en vaut la peine, nous serions moins assommés de livres. Vale, et ama me.


487. — Á M. DE CIDEVILLE.
À Vassy, en Champagne, ce 26 juin.

En voici bien d’une autre ! je reviens dans ma campagne chérie après avoir couru un grand mois ; je fouille, par hasard, dans les poches d’un habit que Demoulin m’avait envoyé de Paris, je trouve une lettre de mon cher Cideville, du mois de mars dernier, avec la Déesse des songes[2]. J’ai lu avec avidité ce petit acte digne de celui de Daphnis et Chloé. J’ai jeté par terre des livres de mathématiques dont ma table était couverte, et je me suis écrié :

Que ces agréables mensonges
Sont au-dessus des vérités !
Et que votre Reine des songes
Est la reine des voluptés !

Je vous demande en grâce, mon adorable ami, de m’envoyer cet acte de Daphnis et Chloé. Si vous avez quelqu’un qui puisse le transcrire menu, envoyez-le-moi tout simplement par la poste. Il faudra bien un jour faire un ballet complet de tout cela, et je veux le faire mettre en musique, quand je serai de retour à Paris. En attendant, il charmera Émilie, et Émilie vaut tout le parterre. Je crois qu’elle vous a écrit de Paris, il y a quelque temps, et qu’elle vous a mandé qu’elle avait pris Linant pour précepteur de son fils. Il sera à la campagne avec nous, et aura tout le loisir de faire, s’il veut, une tragédie : car, en vérité, il s’en faut beaucoup que la sienne soit faite.

  1. C’est ironiquement, sans doute, que Voltaire appelle petits les Mémoires de Jacques II, qui forment deux volumes in-4o, et qui pourtant ne sont qu’un abrégé, fait par Ch. Dryden, des quatre volumes in-folio autographes qui étaient conservés en France, mais qui ont été détruits en 1794. (B.)
  2. Vovez les lettres 220 et 479.