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CORRESPONDANCE.

L’heureux Mécène était le favori
Du dieu des vers et du plus grand des princes ;
Mais à longs traits goûtant la volupté,
Son premier dieu ce fut l’oisiveté.
Si quelquefois réveillant sa mollesse,
Sa main légère, entre Horace et Maron,
Daignait toucher la lyre d’Apollon,
Comme La Fare il chantait la paresse.
Pour toi, mêlant le devoir au plaisir,
Dans les travaux tu te fais un loisir ;
Tu sais charmer au conseil comme à table.
Mécène à toi n’est pas à comparer,
Et je te crois, j’ose ici l’assurer,
Moins paresseux, et non pas moins aimable.

Heureux, monsieur le duc, ceux qui peuvent jouir de votre protection et de votre entretien ! Pour moi, la seule grâce que je vous demande est celle de vous voir.


25 — À M. LE MARQUIS D’USSÉ.[1]

À Sully, 20 juillet.

Monsieur, je ne sais si vous vous souviendrez de moi, après l’honneur qu’on m’a fait de m’exiler. Souffrez que je vous demande une grâce : ce n’est point d’employer votre crédit pour moi, car je ne veux point vous proposer de vous donner du mouvement ; ce n’est point non plus d’aider à rétablir ma réputation : cela est trop difficile ; mais de me dire votre sentiment sur l’Épîre que je vous envoie. Elle ne verra le jour qu’autant que vous l’en jugerez digne, et, si vous voulez bien avoir la bonté de me faire voir toutes les fautes que vous y trouverez, je vous aurai plus d’obligation que si vous me faisiez rappeler. Peut-être êtes-vous occupé à présent autour d’un alambic, et serez-vous tenté d’allumer vos fourneaux avec mes vers ; mais, je vous supplie, que la chimie ne vous brouille point avec la poésie.

Souvenez-vous des airs charmants
Que vous chantiez sur le Parnasse,
Et cultivez en même temps
L’art de Paracelse et d’Horace.

  1. Louis Bernin de Valentiné, marquis d’Ussé, gendre du maréchal de Vaubau, veuf dès novembre 1713.