Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/552

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mais la lâcheté avec laquelle on cherche à me diffamer doit exciter le courage de mes amis, et c’est à eux à parler pour moi. En voilà trop sur un chapitre aussi désagréable.

Si vous connaissez quelque livre où l’on puisse trouver de bons mémoires sur le commerce, je vous prie de me l’indiquer, afin que je le fasse venir de Paris. Faites-moi connaître aussi tous les livres où l’on peut trouver quelques instructions touchant l’histoire du dernier siècle et le progrès des beaux-arts ; je vous répéterai toujours cette antienne. Adieu, mon ami. Entonnezvous toujours beaucoup de vin de Champagne ? Avez-vous revu la cruelle bégueule[1], jadis et peut-être encore reine de votre cœur ? Je comptais que mon ami Falkener viendrait me voir, en passant par Calais ; mais il s’en va par l’Allemagne et par la Hongrie.

Si je n’étais pas à Cirey, je vous avoue que, dans deux mois, je serais sur la Propontide avec mon ami, plutôt que de revoir une ville où je suis si indignement traité ; mais, quand on est à Cirey, on ne le quitte point pour Constantinople ; et puis, que ferais-je sans vous ? Vale, et me ama, scribe sæpe, scribe multum.


512. — Á M. LE DUC DE RICHELIEU[2].
À Cirey, ce 30 septembre.

Vous attendez apparemment, messieurs du Rhin, que l’Italie soit nettoyée d’Allemands pour que vous fassiez enfin quelque beau mouvement de guerre, ou peut-être pour que vous publiiez la paix, à la tête de vos armées. Le pacifique philosophe dont vous vous moquez est cependant entre ses montagnes, faisant pénitence comme don Quichotte, et attendant sa Dulcinée. J’ai appris, dans ma solitude, que Mme de Richelieu devient tous les jours une grande philosophe, et qu’elle a berné et confondu publiquement un ignorant prédicateur de jésuite qui s’est avisé de disputer contre elle sur l’attraction et sur le vide. Vous allez, de votre côté, devenir un grand astronome, quand vous aurez le gnomon universel que Varinge[3] a promis de faire, pour la

  1. Mlle Sallé, voyez lettres 212 et 490.
  2. Louis-François Armand Vignerod du Plessis de Richelieu, né le 13 mars 1696, reçu à l’Académie française le 12 décembre 1720, plus de vingt-cinq ans avant l’auteur de la Henriade, créé maréchal de France le 11 octobre 1748, mort le 8 auguste 1788. Avant de devenir la dulcinée de Voltaire, la belle Èmilie avait été l’une de celles du duc de Richelieu. (Cl.)
  3. Voyez une note de la lettre 482.