Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/12

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j’ai peint cette absurde sagesse
Des fous sottement orgueilleux ;
C’est à vous à vous moquer d’eux :
Vous n’êtes pas de leur espèce.

M. Michelet[1] nous a envoyé, monsieur, les plans du paradis terrestre de l’Allemagne, car celui de France est à Cirey. Je ne sais ce que j’aime le mieux en vous, ou la plume de l’écrivain qui écrit de si jolies choses, ou le crayon qui dessine une si aimable retraite. Vous nous fournissez tous les plaisirs qu’on peut goûter quand on n’a pas le bonheur de vous voir. Mme  la marquise du Châtelet va vous écrire : elle est seule digne de vos présents ; mais j’en sens le prix aussi vivement qu’elle. Nous sommes unis tous en Frédéric, comme les dévots le sont dans leur patron.

Je serai, monsieur, toute ma vie, avec l’attachement le plus tendre, votre, etc.


940. — À M. DE MAUPERTUIS[2].

Après vous avoir remercié des leçons que j’ai reçues de vous sur la philosophie newtonienne, voulez-vous bien que je vous adresse les idées qui sont le fruit de vos instructions ?

1° Je vois les esprits dans une assez grande fermentation en France, et les noms de Descartes et de Newton semblent être des mots de ralliement entre deux partis. Ces guerres civiles ne sont point faites pour des philosophes. Il ne s’agit point de combattre pour un Anglais contre un Français, ni pour les lettres de l’alphabet qui composent le nom de Newton contre celles qui composent le nom de Descartes. Ces noms ne sont réellement qu’un son ; il n’y a nulle relation entre un homme qui n’est plus et ce qu’on appelle sa gloire. Il n’appartient pas à ce siècle éclairé de suivre tel ou tel philosophe ; il n’y a plus de fondateur de secte, l’unique fondateur est une démonstration.

  1. Marchand cité dans une lettre de Frédéric, du 15 avril 1739.
  2. Si c’est cette lettre qui est désignée dans le n° 906, Voltaire l’a retouchée depuis lors, puisqu’il y est question de la mort de Boerhaave arrivée à la fin de septembre 1738 ; c’est ce qui a décidé Bouchot à la placer dans le commencement d’octobre. Elle a été imprimée, pour la première fois, dans la Bibliothèque française, tome XXVIII, pages 1-27. Quelques phrases de cette lettre se retrouvent dans la Réponse aux objections principales, etc. ; voyez, tome XXIII, page 75.

    Au mois de juillet, Voltaire avait demandé à Maupertuis la permission de se servir de son nom.