Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/133

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tant plus sujet de le croire qu’elle en avait écrit à Thieriot, quelle lui avait demandé la vérité, et que Thieriot n’avait point répondu. Aussitôt voilà le cœur généreux de Mme  du Châtelet, cœur digne du vôtre, qui s’enflamme : elle écrit à Votre Altesse royale ; elle vous fait entendre des plaintes bienséantes dans sa bouche, mais interdites à la mienne. Voici le fait :

Un homme, le chevalier de Mouhy, qui a déjà écrit contre labbé Desfontaines, fait une petite brochure[1] littéraire contre lui ; et, dans cette brochure, il imprime une lettre que j’ai écrite il y a deux ans. Dans cette lettre j’avais cité un fait connu ; que l’abbé Desfontaines, sauvé du feu par moi, avait, pour récompense, fait sur-le-champ un libelle contre son bienfaiteur, et que Thieriot en était témoin. Tout cela est la plus exacte vérité, vérité bien honteuse aux lettres. Si Thieriot, dans cette occasion, craint de nouvelles morsures de l’abbé Desfontaines, s’il s’effraye plus de ce chien enragé qu’il n’aime son ami, c’est ce que j’ignore ; il y a longtemps que je n’ai reçu de ses nouvelles. Je lui pardonne de ne se point commettre pour moi. Je fais un petit Mémoire[2] apologétique pour répondre à l’abbé Desfontaines. Mme  du Châtelet l’a envoyé à Votre Altesse royale ; je l’ai fort corrigé depuis. Je ne dis point d’injures ; l’ouvrage n’est point contre l’abbé Desfontaines, il est pour moi ; je tâche d’y mêler un peu de littérature, afin de ne point fatiguer le public de choses personnelles.

Mais je sens que je fatigue fort Votre Altesse royale par tout ce bavardage. Quel entretien pour un grand prince : Mais les dieux s’occupent quelquefois des sottises des hommes, et les héros regardent des combats de cailles.

Je suis avec le plus profond respect, le plus tendre, le plus inviolable attachement, monseigneur, etc.


1031. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Cirey, ce 18 janvier.

Mon cher ange gardien, pourquoi faut-il que le chevalier de Mouhy qui ne me connaît pas, agisse comme mon frère, et que Thieriot, qui me doit tout, se tienne les bras croisés dans sa lâche ingratitude ? Quoi ! Mouhy court déposer chez M. Hérault,

  1. Voltaire voulait faire croire que le Préservatif (voyez tome XXII, page 371) était de. Mouhy.
  2. C’est le Mémoire imprimé tome XXIII, page 27.