Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/21

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qu’Aristote a abandonné Platon ; que Bacon, Galilée, Descartes, Boyle ont fait tomber Aristote ; que Descartes a disparu à son tour, et ils concluent qu’il viendra un temps où Newton subira la même destinée.

Ceux qui tiennent ce discours vague supposent, ce qui est très-faux que Newton a fait un système ; il n’en a point fait, il n’a annoncé que des vérités de géométrie et des verités d’expérience. C’est comme si on disait que les démonstrations d’Archimède passeront de mode un jour. Il se peut faire que quelqu’un découvre un jour (s’il a des révélations) la cause de la pesanteur ; mais les propositions des équipondérances d’Archimède n’en sont pas moins démontrées, et le calcul de Newton sur la gravitation n’en sera ni moins vrai, ni moins admirable.

8o Les effets de cette gravitation sont si indispensables que par eux on découvre combien de matière doit contenir la lune, qui tourne autour de nous ; comment elle doit altérer sa course ; pourquoi ses nœuds et ses apsides varient, de quelle quantité ils doivent varier ; pourquoi les mois d’hiver de la lune sont plus longs que les mois d’été ; et c’est ce que M. Halley, physicien, astronome, et poète excellent, a si bien dit :

Cur remeant nodi, curque ansæ progrediuntur, etc.

Les lois de la gravitation sont encore l’unique cause de cette précession continuelle de nos équinoxes, de cette période constante de 25,900 années ou environ ; période si longtemps méconnue, et si longtemps attribuée à je ne sais quel premier mobile qui n’existe pas, et qui ne peut exister.

N’est-ce pas une chose bien digne de l’attention et de la curiosité de l’esprit humain que ce mouvement singulier de notre globe produit précisément par la même cause qui fait tous les changements de la lune ? Car, comme la gravitation réciproque de notre terre et de la lune, son satellite, augmente et diminue à mesure que la terre est plus près ou plus loin du soleil et a mesure que la lune est entre le soleil et nous, ou nous laisse entre le soleil et elle ; comme, dis-je, le cours de la lune et ses pôles en sont dérangés, aussi notre cours et nos pôles sont-ils continuellement variés par les mêmes principes.

Ce qu’il y a de plus admirable, c’est que cette précession des équinoxes, ce mouvement de près de 26,000 années, ne peut s’accomplir si la terre n’est considérablement élevée a l’equateur : car alors on regarde cette protubérance de la région de l’equateur comme un anneau de lunes qui circulerait autour de la