Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/225

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la fournaise. Sa flamme s’échappe en rond de tous les côtés, malgré la tendance que l’air lui imprime en haut ; et l’on peut apercevoir ce globe de feu de six lieues, sans que cette prodigieuse quantité de particules qu’il envoie lui fasse perdre sensiblement de son poids. Or qu’est-ce que ce petit pâté par rapport au soleil ? Le soleil tourne en 25 jours et demi sur lui-même, et la terre en un jour sur elle-même. Or, pour que le soleil ne tournât pas plus vite que la terre, il faudrait que sa rotation sur son axe s’accomplît en 10,000 de nos jours, qui font plus de 27 ans ; mais il tourne en 25 jours. Jugez donc, par cette prodigieuse célérité, de la force avec laquelle il envoie la lumière, et ne vous étonnez de rien ; ou bien étonnez-vous de tout. Au reste, quand je dis que la lumière s’échappe du soleil, je me sers de cette expression dans le même sens qu’on dit que la pierre s’échappe de la fronde, et la balle du canon.

6o Quand on dit que la matière lumineuse vient du soleil à nous en ligne droite, on ne dit rien que de très-vrai, et cela n’est contesté par personne. Jusqu’à nous veut dire jusqu’à notre globe ; et notre globe est composé d’air et de terre. Il arrive à la surface de l’air ce qui arrive à la surface de nos yeux ; les rayons se brisent en passant du vide dans l’air, et c’est pourquoi on ne voit aucun astre à sa place. Il y a des tables de la réfraction depuis l’horizon jusqu’au quarantième degré ; mais au méridien il n’y a plus de réfraction.

Vous devriez, monsieur, lire quelque traité sur ces matières, comme S’Gravesande, ou Keill, ou Wolffius ; vous pourriez même vous en tenir à Bion, Un esprit comme le vôtre n’aura que la peine de feuilleter ces ouvrages, qui vous mettraient au fait de bien des minuties nécessaires, et qui vous abrégeraient le chemin infiniment. Par exemple le moindre livre d’optique résoudra vos difficultés sur la réflexion de la lumière, quant au géométrique et au mécanique ; mais, quant à ce qui tient à la nature intime des choses, comment les rayons ne se confondent pas en se croisant, comment ils rebondissent sans toucher aux surfaces, pourquoi ils s’infléchissent vers les bords des objets, pourquoi le bleu est plus réfrangible que le rouge, vous demanderez tout cela à Dieu, qui, je crois, est le seul qui en sache des nouvelles positives.

7o Quand vous aurez, monsieur, jeté un coup d’œil sur les moindres éléments de physique géométrique, vous ne serez plus révolté de cette idée très-commune que tout point visible est le sommet d’un cône dont la base est dans nos yeux. Vous prenez