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suffit pour un peintre et pour un poëte. Où en seraient Virgile et Horace si on les avait chicanés sur les faits ? Une fausseté qui produit au théâtre une belle situation est préférable, en ce cas, à toutes les archives de l’univers[1] ; elle devient vraie pour moi, puisqu’elle a produit le rôle de votre aga des janissaires, et la situation aussi frappante que neuve et hardie de Mahomet levant le poignard sur une maîtresse dont il est aimé. Continuez, monsieur, d’être du petit nombre de ceux qui empêchent que les belles-lettres ne périssent en France. Il y a encore et de nouveaux sujets de tragédie, et même de nouveaux genres. Je crois les arts inépuisables : celui du théâtre est un des plus beaux comme des plus difficiles. Je serais bien à plaindre si je perdais le goût de ces beautés parce que j’étudie un peu d’histoire et de physique. Je regarde un homme qui a aimé la poésie, et qui n’en est plus touché, comme un malade qui a perdu un de ses sens. Mais je n’ai rien à craindre avec vous, et, eussé-je entièrement renoncé aux vers, je dirais en voyant les vôtres :

· · · · · · · · · · · · · · · Agnosco veteris vestigia flammæ.

(Virg., Æn., IV, 23.)

Je dois sans doute, monsieur, la faveur que je reçois de vous à M. de Cideville, mon ami de trente années ; je n’en ai guère d’autres. C’est un des magistrats de France qui a le plus cultivé les lettres ; c’est un Pollion en poésie, et un Pylade en amitié. Je vous prie de lui présenter mes remerciements, et de recevoir les miens. Je suis, monsieur, avec une estime dont vous ne pouvez douter, votre, etc.


1128. — DÉCLARATION DE L’ABBÉ DESFONTAINES
remise à m. hérault.


Je déclare que je ne suis point l’auteur d’un libelle imprimé, qui a pour titre : la Voltairomanie, et que je le désavoue en son entier, regardant comme calomnieux tous les faits qui sont imputés à M. de Voltaire dans ce libelle, et que je me croirais déshonoré si j’avais eu la moindre part à cet écrit, ayant pour lui tous les sentiments d’estime dus à ses talents, et que le public lui accorde si justement[2].

Fait à Paris, ce 4 avril 1739.
Signé Desfontaines.
  1. Toute la fin de cette lettre n’était pas dans les éditions de Kehl.
  2. Ce désaveu de Desfontaines, qui devait rester secret, parut dans la Gazette