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1202. — À M. DE CIDEVILLE,
au château de tournebu, route de gaillon.
Ce 20 septembre.

Tibulle de la Normandie,
Vous qui, ne vivant qu’à la cour
Du dieu des vers et de Lesbie,
Ne voyageâtes de la vie
Que sur les ailes de l’Amour,
Venez à Paris, je vous prie,
Sur les ailes de l’Amitié ;
Voltaire et la reine Émilie,
S’ils n’écoutaient que leur envie.
Du chemin feraient la moitié.

Ah ! mon cher ami, par quel contre-temps cruel ne vous verrai-je qu’un moment ! Je pars mercredi pour Richelieu. Sera-t-il dit que nous ressemblerons aux deux héros du roman de Zaïde[1], qui se virent de loin une fois, et s’éloignèrent pour un temps si long ? Quand nous retrouverons-nous ? quand passerai-je avec vous le soir tranquille de ce jour nébuleux qu’on nomme la vie ?


1203. — À M.***[2].
Paris, 20 septembre 1739.

Malgré votre prodigieuse indifférence, Mme  la duchesse de Richelieu vous prie à souper aujourd’hui samedi. Seriez-vous assez malheureux pour n’être point à Paris ? Pour moi, je le suis fort de n’avoir pu vous faire ma cour. C’était bien la peine de quitter Bruxelles ! V.


1204. — À MADAME DE CHAMPBOMN.
De Paris.

Ma chère amie, Paris est un gouffre où se perdent le repos et le recueillement de l’âme, sans qui la vie n’est qu’un tumulte importun. Je ne vis point ; je suis porté, entraîné loin de moi dans des tourbillons. Je vais, je viens ; je soupe au bout de la ville, pour souper le lendemain à l’autre. D’une société de trois

  1. Par Mme  de La Fayette.
  2. Éditeurs, Bavoux et François