sans vous trouver auprès d’Hébert[1] ; je vous supplie de passer chez lui, et de voir une écritoire de Martin[2] que nous faisons faire pour la présenter au prince royal. Voyez si elle vous plaît. Le présent est assez convenable à un prince comme lui : c’est Soliman[3] qui envoie un sabre à Scanderbeg ; mais ce maudit Hébert me fait attendre des siècles. Le roi de Prusse se meurt ; et, s’il est mort avant que ma petite écritoire arrive, ma galanterie sera perdue. Il n’y a pas trop de bonne grâce à donner à un roi qui peut rendre beaucoup. Cet air intéressé ôterait tout le mérite de l’écritoire.
Vous devriez bien me dire quelques nouvelles des spectacles ; ils m’intéressent toujours, quoique je sois à présent tout hérissé des épines de la philosophie.
Mais vous ne me mandez jamais rien de ce qui vous regarde, rien sur votre vessie ni sur vos plaisirs ; je m’intéresse à tout cela plus qu’à tous les spectacles du monde. Allez-vous toujours les matins vous ennuyer en robe à juger des plaideurs ?
Monseigneur, il nous arrive dans le moment une écritoire[5] que Mme du Châtelet, et moi, indigne, comptions avoir l’honneur de présenter à Votre Altesse royale pour ses étrennes. Le ministre[6] qui, selon votre très-bonne plaisanterie, est prêt à vous prendre souvent pour un bastion ou pour une contrescarpe, vous offrirait une coulevrine ou un mortier ; mais nous autres êtres pensants, nous présentons en toute humilité à notre chef l’instrument avec lequel on communique ses pensées. Je l’ai adressée à Anvers ; elle part aujourd’hui, et d’Anvers elle doit aller à Wesel à l’adresse de M. le baron de Borcke, ou, à son défaut, au commandant de la place, pour être remise à Votre Altesse royale. Ce
- ↑ Voyez tome XXXIV, pages 274 et 309.
- ↑ Voyez tome V, page 60 ; et tome X, page 271.
- ↑ Mahomet II. Voyez la lettre 883.
- ↑ Cette lettre de Voltaire, dans l’édition de Beuchot et dans celle de Preuss, est datée du mois de décembre 1738 ; mais d’une part, dans sa lettre du 12 mars 1740, Voltaire supplie d’Argental de passer chez Hébert pour presser l’écritoire destinée à Frédéric ; d’autre part, les remerciements de Frédéric pour l’écritoire sont datés du 21 mars 1740 : la place approximative qui doit lui être assignée est donc celle que nous lui donnons ici.
- ↑ Dont il est question dans la lettre précédente.
- ↑ M. de Valori ; voyez le quatrième alinéa de la lettre 1217.