Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/431

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En avouant que la vertu
Est la meilleure politique.

Toutes les Vertus se mirent alors à caresser le vainqueur de Machiavel.

La sage Libéralité,
Qui récompense avec justice,
Enchaînait avec fermeté
La folle Prodigalité,
Et la méprisable Avarice.
Le Devoir, le Travail sévère.
Semblaient régner dans ce séjour ;
Mais les Jeux, l’Amour et sa mère
N’étaient point bannis de la cour.
Pour tous également affable,
Il les embrassait tour à tour ;
Il savait maîtriser l’Amour,
Et rendre le Travail aimable.

Cependant Mars et la Politique montraient le plan de Berg et de Juliers, et mon héros tirait son épée, prêt à la remettre dans le fourreau pour le bonheur de ses sujets et pour celui du monde ; les beaux-arts venaient de tous côtés rendre hommage à leur protecteur ; la Musique, la Peinture, l’Éloquence, l’Histoire, la Physique, travaillaient sous ses yeux ; il présidait à tout, et semblait né pour tous ces arts, comme pour celui de gouverner et de plaire. Un théâtre s’élevait, une académie se formait, non pas telle que celle des jetonniers français,

Ces gens doctement ridicules,
Parlant de rien, nourris de vent,
Et qui pèsent si gravement
Des mots, des points, et des virgules.

C’était une académie dans le goût de celle des Sciences et de la Société de Londres. Enfin, tout ce qu’il y a de bon, de beau, de vrai, de juste, d’aimable, était rassemblé sur ce trône. Je n’ai point oublié mon songe comme ce fou de la sainte Écriture[1], qui menaçait de faire mourir ses conseillers d’État s’ils ne devinaient son rêve, qu’il avait oublié. Je m’en souviens très-bien, et il ne me faut ni Daniel ni Joseph pour l’expliquer.

Non, non, ce n’est point un mensonge
Qui trompa mon cœur enchanté ;

  1. Voyez Daniel, ch. ii.