Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/67

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qu’un homme qui étudie la géométrie sait, non des opinions, mais des choses, et des choses indépendantes des hommes ; voilà le point. Je n’exclus pas l’histoire de l’esprit humain, mais je veux qu’on sache que l’eau pèse neuf cents fois plus que l’air, et non pas qu’on s’en tienne à savoir qu’Aristote a cru que l’eau ne pesait que dix fois davantage.

Ce vers, ne vous en déplaise, est vrai et précis ; et il restera. Continuez, cependant, dites-moi tout ce que l’on pensera et tout ce qu’il faudra savoir. Je suis comme La Flèche[1], je fais mon profit de tout.

Adieu, mon cher Mersenne, Dimitte nobis peccata nostra, sicut dimittimus criticis nostris[2].

Je fais tant de cas de l’esprit et de l’amitié de Pollion que je lui dis mon sentiment sans aucun ménagement. Son caractère est au-dessus des simagrées des compliments. Une vérité vaut mieux chez lui que cent fadeurs. Je vous embrasse, j’ai la tête cuite.

À propos, j’oubliais encore une correction sans appel, dont j’appelle au bon sens, au bon goût, et à vous :

D’où vient qu’avec cent pieds qui lui sont inutiles ;

Vous voudriez qu’on croirait inutiles. Eh ! ventre-saint-gris, ils sont très-inutiles, car il

· · · · · · · · · · · · · · · traîne ses pas débiles.

Il y a des espèces de reptiles qui ont une trentaine de pattes, et qui n’en vont pas plus vite, comme les autruches ont des ailes pour ne point voler. Dieu est le maître.


972. — À M. THIERIOT.
Le 1er décembre.

Nous venons de recevoir le paquet du prince, lequel prince doit un jour vous acheter cent mille écus, s’il en donne sept mille pour un être non pensant, haut de six pieds. J’étais bien pressé, avant-hier, en vous écrivant toutes mes contre-critiques ; pardonnez,

Mais je lèche, en criant, la main qui me censure.

  1. Nom du valet de l’Avare ; voyez cette comédie, acte I, scène iii.
  2. Matthieu, vi, 12.