Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/126

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péane, ou europaine[1], s’assemble pour rendre tous les monarques modérés et contents, Votre Majesté m’ordonne de lui envoyer ce que j’ai fait depuis peu du Siècle de Louis XIV : car elle a le temps de lire quand les autres hommes n’ont point de temps. Je fais tenir mes papiers de Bruxelles je les ferai transcrire pour obéir aux ordres de Votre Majesté. Elle verra peut-être que j’embrasse un trop grand terrain, mais je travaillais principalement pour elle, et j’ai jugé que la sphère du monde[2] n’était pas trop grande. J’aurai donc l’honneur, sire, d’envoyer dans un mois à Votre Majesté un énorme paquet qui la trouvera au milieu de quelque bataille, ou dans une tranchée. Je ne sais si vous êtes plus heureux dans tout ce fracas de gloire que vous l’étiez dans cette douce retraite de Rémusberg.

Cependant, grand roi, je vous aime
Tout autant que je vous aimais,
Lorsque vous étiez renfermé
Dans Remusberg et dans vous-même ;
Lorsque vous borniez vos exploits
À combattre avec éloquence
L’erreur, les vices, l’ignorance,
Avant de combattre des rois.

Recevez, sire, avec votre bonté ordinaire, mon profond respect, et l’assurance de cette vénération qui ne finira jamais, et de cette tendresse qui ne finira que quand vous ne m’aimerez plus.


1500. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Tribau, 12 avril.

C’est ici que l’on voit tous les saints ennichés,
Dans les bois, sur les ponts, sur les chemins perchés,
Et messieurs les gueux, leur cortége,
Qui se morfondent sur la neige ;
Tandis que, tranchant du Crésus,
Les puissants comtes de Bohême,
Prodigues de leurs revenus,
Ruinent leurs sujets, et se mangent eux-même,
Pour entretenir leurs chevaux ;
Et que nos-seigneurs les bigots,
Bien mieux instruits de leur cuisine

  1. L’abbé de Saint-Pierre écrirait europain ; Voltaire était pour européan.
  2. Allusion à l’Essai sur les Révolutions du monde (ou Essai sur les Mœurs).