santé me permettrait de venir vous entendre et vous embrasser : je ne sais pas encore quand je partirai pour la Flandre. Il se pourra très-bien que je reste assez de temps à Paris pour vous y voir ramener la foule au désert du théâtre. Je partirai content quand j’aurai vu l’honneur de notre nation rétabli par vous et par Mlle Gautier. Vous me ferez aimer plus que jamais un art qui commençait à me devenir indifférent. Vos talents ne sont pas le seul mérite que j’aime en vous. L’auteur et l’acteur n’ont que mes applaudissements ; mais l’honnête homme, l’homme d’un commerce aimable, a mon cœur. Faites, je vous prie, mille compliments de ma part à Mlle Gautier, et, au nom de l’amitié, ne me traitez plus avec cérémonie. Je vous embrasse de tout mon cœur. Votre succès m’est aussi cher qu’à vous mais j’en étais bien plus sûr que vous.
Quand vous aviez un père, et dans ce père un maltre,
Vous étiez philosophe, et viviez sous vos lois ;
Aujourd’hui, mis au rang des rois,
Et plus qu’eux tous digne de l’être,
Vous servez cependant vingt maîtres à la fois.
Ces maîtres sont tyrans ; le premier, c’est la Gloire,
Tyran dont vous aimez les fers,
Et qui met au bout de nos vers,
Ainsi qu’en vos exploits, la brillante Victoire.
La Politique à son côté,
Moins éblouissante, aussi forte,
Méditant, rédigeant, ou rompant un traité,
Vient mesurer vos pas, que cette Gloire emporte.
L’Intérêt, la Fidelité,
Quelquefois s’unissant, et trop souvent contraires ;
Des amis dangereux, de secrets adversaires ;
Chaque jour des desseins et des dangers nouveaux ;
Tout écouter, tout voir, et tout faire à propos ;
Payer les uns en espérance,
Les autres, en raisons ; quelques-uns, en bons mots ;
Aux peuples subjugués faire aimer sa puissance :
Que d’embarras ! que de travaux !
française. Les derniers mots de la lettre donnent à penser qu’elle est postérieure au 14 mai.