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1531. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Aix-la-Chapelle, 2 septembre.

Je ne sais rien de mieux après vous-même que vos lettres. La dernière, aussi charmante que toutes celles que vous m’écrivez, m’aurait fait encore plus de plaisir si vous l’aviez suivie de près ; mais à présent je crois être privé du plaisir de vous voir. Je pars le 7 pour la Silésie.

C’est bien ici le pays le plus sot que je connaisse. Les médecins, pour mettre les étrangers à l’unisson de leurs concitoyens, veulent qu’ils ne pensent point : ils prétendent qu’il ne faut point avoir ici le sens commun, et que l’occupation de la santé doit tenir lieu de toute autre chose.

M. Chapel et M. Gutzweiler ne veulent absolument pas que l’on fasse des vers : ils disent que c’est un crime de lèse-Faculté, et qu’on ne peut boire de l’Hippocrène et de leurs eaux bourbeuses en même temps dans le petit empire d’Aix. Je suis obligé de céder à leurs volontés ; mais Dieu sait comme je m’en dédommagerai lorsque je serai de retour chez moi !

Je n’ai rien rien reçu de vous, ni gros ni petit paquet. Je suppose que le prudent David Gérard aura tout gardé à Berlin, jusqu’à mon arrivée. Je vous assure que je vous tiendrai bon compte de tout ce que vous m’envoyez, et que vous faites par vos ouvrages la plus solide consolation de ma vie.

Adieu, mon cher Voltaire ; je vous charge de la nourriture de mon esprit ; envoyez-moi tantôt de ces mets solides qui donnent des forces, et tantôt de ces mets fins dont la saveur charmante flatte et réveille le goût.

Soyez persuadé de l’estime, de l’amitié, et de tous les sentiments distingués que j’ai pour vous.

Fédéric.

1532. — À M. LE CARDINAL DE FLEURY.
Le 10 septembre.

Monseigneur, je commence par envoyer à Votre Éminence la première lettre[1] que le roi de Prusse m’écrivit le 26 août, qu’il date par mégarde du 26 septembre. Votre Éminence verra au moins par cette lettre que je n’ai point écrit celle[2] qui courut si malheureusement il y a un mois, et qui fut fabriquée à Paris par le secrétaire d’un ambassadeur, aussi bien qu’une prétendue réponse de Sa Majesté prussienne.

J’ai donc quelque droit d’espérer que je serai justifié dans

  1. C’est sans doute la lettre 1525, dans laquelle il n’est d’ailleurs nullement question de la lettre 1509.
  2. Il parait que c’était la lettre 1509, écrite alors depuis un peu plus de deux mois. Si elle contenait des plaisanteries contre Mme  de Mailly, Louis XV avait dû s’en irriter.