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de Pascal ; vous êtes animé de leur esprit quand vous parlez d’eux. Je vous avoue que je suis encore plus étonné que je ne l’étais que vous fassiez un métier, très-noble à la vérité, mais un peu barbare, et aussi propre aux hommes communs et bornés qu’aux gens d’esprit. Je ne vous croyais que beaucoup de goût et de connaissances, mais je vois que vous avez encore plus de génie. Je ne sais si cette campagne vous permettra de le cultiver. Je crains même que ma lettre n’arrive au milieu de quelque marche, ou dans quelque occasion où les belles-lettres sont très-peu de saison. Je réprime mon envie de vous dire tout ce que je pense, et je me borne au plaisir de vous assurer de la singulière estime que vous m’inspirez.

Je suis, monsieur, votre, etc.

Voltaire.

1578. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Potsdam, 21 mai.

Depuis quand, dites-moi, Voltaire,
Êtes-vous donc dégénèré ?
Chez un philosophe épuré,
Quoi la grâce efficace opère !
Par Mirepoix endoctriné,
Et tout aspergé d’eau bénite,
Abattu d’un jeûne obstiné,
Allez-vous devenir ermite ?
D’un ton saintement nasillard,
Et marmottant quelque prière,
En bâillant lisant le bréviaire,
On vous enrôle à Saint-Médard,
Avec indulgence plénière.
Je vois Newton au haut des cieux,
Se disputant avec saint Pierre,
Auquel, en partage, des deux
Pourrait enfin tomber Voltaire.
Le saint faisant une oraison,
Au lieu du compas de Newton
Vous offre une belle relique,
Vous éclaircit et vous explique
L’œuvre de la conception,
Tandis qu’au Parnasse Apollon
Se plaint, et voit avec grand’peine
Qu’on enlève au sacré vallon
L’élégance de votre veine,
Et que ce cygne harmonieux
Qui charmait les bords de la Seine
Profanera l’eau d’Hippocrène
Pour des prêtres audacieux.
Mais quel objet me frappe, ô dieux !