Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/237

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La manière dont Sa Majesté prussienne me parlera réglera celle dont j’aurai l’honneur de lui parler. Je prendrai conseil de l’occasion et de l’envie extrême que j’ai de mériter l’approbation d’un esprit tel que le vôtre, et de la protection d’un ministre tel que vous.

À l’égard de M. Van Haren, il faut le regarder comme un homme incorruptible ; mais il paraît aimer la gloire et les ambassades. Il voulait aller en Turquie : c’est de là que j’ai pris occasion de lui représenter qu’il trouverait plus d’amis et d’approbateurs à Paris qu’à Constantinople. Cette idée a paru le flatter. On pourrait en faire usage, en cas que les yeux des Hollandais commençassent à s’ouvrir sur la ridicule injustice d’attaquer la France, sous prétexte d’un secours qu’ils ont refusé à la reine de Hongrie quand elle en avait besoin, et qu’ils lui donnent quand elle peut s’en passer. En ce cas, M. Van Haren pouvant avec honneur employer à la conciliation les talents qu’il a consacrés à la discorde, l’espérance d’être nommé ambassadeur en France, malgré l’usage qui l’en exclut comme Frison, pourrait le flatter et le déterminer à servir la cause de la justice et de la raison.



1601. — À M. THIERIOT.
À la Haye, ce 16 aout.

Je mène ici une vie délicieuse dont les agréments ne sont combattus que par le regret que m’inspirent mes amis, et, surtout, par le chagrin que j’ai de voir que vous ne vivez encore que de promesses. Je n’ai jamais douté de la pension, vous le savez ; mais je suis aussi surpris qu’affligé de ces prodigieux retardements. Le roi de Prusse vous fera-t-il donc vieillir dans l’espérance ? et l’inscription de votre tombeau sera-t-elle un jour : Ci-git qui attendit son payement ? En vérité cela perce le cœur. J’espère en parler bientôt fortement à Sa Majesté prussienne, soit aux eaux de Spa, soit à Berlin. Vous savez que je ne suis pas

Dissimulator opis propriæ, mihi commodus uni.

(Hor., lib. I, ep. ix, v. 9.)

Je n’ai heureusement rien à demander à ce monarque pour moi-même. On est bien honteux quand on demande pour soi, mais on est bien hardi quand on demande pour un ami. Le roi de Prusse m’a fait l’honneur, en dernier lieu, de m’écrire plu-