Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/268

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L’assommant poids de son savoir,
Se chatouille, et se glorifie
Que le ciel l’ait voulu pourvoir
Du sens dont sa tête est bouffie.

Il n’est pas jusqu’au Mirepoix
Qui n’ait l’audace d’y prétendre :
Pour s’en désabuser, je crois
Qu’il doit suffire de l’entendre.

Je ne sais trop où vous êtes à présent, mais je suis toutefois persuadé que vous oublierez plutôt Berlin que vous n’y serez oublié. C’est de quoi vous assure votre admirateur,

Fédéric.

P. S.

Mon souvenir chez vous s’efface,
S’il faut qu’un maudit barbouilleur
Tant bien que mal vous le retrace[1] ;
Je ne veux point, sur mon honneur,
Briller chez vous en d’autre place
Que dans le fond de votre cœur.


1626. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
À la Haye, ce 28 octobre.

Sire, vous voyagez toujours comme un aigle, et moi, comme une tortue ; mais peut-on aller trop lentement quand on quitte Votre Majesté ? J’arrive enfin en Hollande : la première chose que j’y vois, c’est un papier anglais où votre Anti-Machiavel est cité à côté de Polybe et de Xénophon. On rapporte deux pages de ce livre[2] où vous prouvez de quel avantage sont aux princes les places fortifiées, et on fait voir quelle était la témérité des alliés de prétendre d’entrer en France.

Ainsi donc vous êtes cité
Par les auteurs comme auteur grave ;
Comme roi politique et brave,
Des rois vous êtes respecté
Chacun vous craint, nul ne vous brave ;
Le taciturne et froid Batave,
Amoureux de sa liberté,
Le Russe, né pour être esclave,

  1. Voltaire, ayant perdu à Magdebourg les médailles à l’effigie du roi, lui en avait demandé d’autres (voyez la lettre à Keyserlingk, du 14 octobre 1743) ; il les reçut quelque temps après (voyez la lettre du 7 janvier 1744).
  2. Chapitre xx de l’Anti-Machiavel.