De notre incertaine science ?
Et ces carrés de la distance,
Ces corpuscules, ces ressorts,
Cet infini si peu traitable ?
Hélas ! tout ce qu’on dit des corps
Rend-il le mien moins misérable ?
Mon esprit est-il plus heureux,
Plus droit, plus éclairé, plus sage,
Quand de René[1] le songe-creux
J’ai lu le romanesque ouvrage ?
Quand, avec l’oratorien[2],
Je vois qu’en Dieu je ne vois rien ?
Ou qu’après quarante escalades
Au château de la vérité,
Sur le dos de Leibnitz monté,
Je ne trouve que des monades ?
Ah ! fuyez, songes imposteurs,
Ennuyeuse et froide chimère !
Et, puisqu’il nous faut des erreurs,
Que nos mensonges sachent plaire.
L’esprit méthodique et commun
Qui calcule un par un donne un,
S’il fait ce métier importun,
C’est qu’il n’est pas né pour mieux faire.
Du creux profond des antres sourds
De la sombre philosophie
Ne voyez-vous pas Émilie
S’avancer avec les Amours ?
Sans ce cortége qui toujours
Jusqu’à Bruxelles l’a suivie,
Elle aurait perdu ses beaux jours
Avec son Leibnitz, qui m’ennuie.
Mon cher ami, voilà comme je pense et, après avoir bien examiné s’il faut supputer la force motrice des corps par la simple vitesse, ou par le carré de cette vitesse, j’en reviens aux vers, parce que vous me les faites aimer. J’ose donc vous envoyer quatre volumes de rêveries poétiques. Je trouve qu’il est encore plus difficile d’avoir des songes heureux en poésie qu’en philosophie. Mahomet est un terrible problème