Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/30

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étudions de vieilles vérités, et nous ne nous soucions guère des sottises nouvelles. Mme du Châtelet a gagné, ces jours-ci, un incident très-considérable de son procès et elle l’a gagné à force de courage, d’esprit, et de fatigues. Cela abrégera le procès de plus de deux ans, et toutes les apparences sont qu’elle gagnera le fond de l’affaire comme elle a gagné ce préliminaire.

Alors, madame, nous irons vivre dans ce beau palais[1] peint par Lebrun et Lesueur, et qui est fait pour être habité par des philosophes qui aient un peu de goût.

Je ne sais pas encore si le roi de Prusse mérite l’intérêt que nous prenons à lui il est roi, cela fait trembler. Attendons tout du temps.

Adieu ; je vous embrasse, mes chers anges gardiens. Mme du Châtelet vous aime plus que jamais.


1419. — À M. DE CIDEVILLE.
À Bruxelles, ce 13 mars.

Devers Pâque on doit pardonner
Aux chrétiens qui font pénitence :
Je la fais ; un si long silence
À de quoi me faire damner ;
Donnez-moi plénière indulgence.

Après avoir, en grand courrier,
Voyagé pour chercher un sage,
J’ai regagné mon colombier[2],
Je n’en veux sortir davantage ;
J’y trouve ce que j’ai cherché,
J’y vis heureux, j’y suis caché.
Le trône et son fier esclavage,
Ces grandeurs dont on est touché,
Ne valent pas notre ermitage.
 
Vers les champs hyperboréens
J’ai vu des rois dans la retraite
Qui se croyaient des Antonins ;
J’ai vu s’enfuir leurs bons desseins
Aux premiers sons de la trompette.

  1. L’hôtel Lambert.
  2. Allusion à la fable de La Fontaine intitulée les Deux Pigeons. Voltaire se compare encore au pigeon voyageur, dans sa lettre adressée de Francfort, le
    4 juin 1753, à d’Argental.