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royaume des âmes assez belles pour joindre hardiment son nom à celui d’un ami ; il saura que mon cher Cideville atteste à la postérité que les bontés dont Sa Majesté m’honore ne sont pas un reproche à sa gloire.

J’envoie à M. le duc de Richelieu ce beau monument que vous érigez au roi, à la nation, et à l’amitié. C’est un bel exemple que vous donnez à la littérature. Mme  du Châtelet, qui vous est tendrement obligée, donnera son exemplaire à Mme  la duchesse de La Vallière[1], et il restera dans la bibliothèque de Champs. Nous en prendrons d’autres lundi, à Paris, où nous comptons arriver sur les trois heures. C’est là que j’embrasserai celui qui m’immortalise. V.


1744. — À M. LE MARQUIS D’ARGENSON.
À Champs, le 25 juin.

Je suis, comme l’Arétin, en commerce avec toutes les têtes couronnées ; mais il s’en faisait payer pour les mordre, et je ne leur demande rien pour les amadouer. Recevez donc, monseigneur, cet énorme paquet, que vous pourriez faire partir par la première flotte que vous enverrez à la pêche de la baleine. Que direz-vous de mon insolence ? vous ai-je assez importuné de mes Batailles ? Tantôt c’est pour la princesse de Suède, tantôt c’est pour la czarine. Vous êtes bien heureux que je vous sauve le roi de Prusse, cette fois-ci ; et, si vous étiez à Paris, vous auriez vraiment un paquet pour le pape. Eh bien ! il pleut donc des victoires ! Le roi de Prusse bat nos ennemis[2], et fait des épigrammes contre eux. Ô la belle et glorieuse paix que vous ferez ! Je vous prépare une fête[3] pour votre retour ; j’y couronnerai le roi de lauriers. En attendant, vous recevrez une septième édition de Lille, de ce petit monument que j’ai élevé à la gloire de notre monarque. Dites-lui-en un peu de bien, et empêchez, si vous pouvez, les araignées[4] de se manger.

Voici une mauvaise plaisanterie que j’écris au roi de Prusse. Vous verrez, monseigneur, que je ne le traite pas si pompeusement que le vainqueur de Fontenoy


Lorsque deux rois s’entendent bien, etc.

  1. Anne-Julie de Crussol d’Uzès, mariée, en 1732, à L. César Le Blanc de La Baume, duc de La Vallière. (Cl.)
  2. Le 4 juin, à Friedberg.
  3. Le Temple de la Gloire ; voyez tome IV, page 348.
  4. Les rois ; voyez la lettre 1689.