Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/386

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tion de vos ouvrages. J’avoue que le remerciement aurait dû être plus prompt, et je serais fâchée si le retardement pouvait faire naitre en vous des idées qui seraient désavantageuses à ma façon de penser pour vous. Vous me rendrez toujours justice quand vous serez persuadé de l’estime infinie que j’ai pour votre esprit et vos talents, et je me ferai toujours un plaisir de vous la témoigner, quand les occasions s’en présenteront. En attendant, je vous envoie une bagatelle qui servira de souvenir de ces mêmes assurances. Vous m’obligerez infiniment, si vous voulez continuer de me faire part de vos nouvelles productions. Je ne saurais assez vous dire la satisfaction que je trouve en les lisant. Vous y rassemblez l’utile à l’agréable, chose si rare dans tous les écrits de nos jours. La comparaison flatteuse que vous faites de la reine Christine et de moi ne peut que me faire rougir ; je me trouve si inférieure en tout point à cette princesse, dont le génie était infiniment au-dessus de celui de notre sexe ! Je désirerais de pouvoir attirer comme elle les beaux esprits à ma cour ; mais la mort de Descartes sert toujours de prétexte à éluder toutes les tentatives que je peux faire. Souvenez-vous, je vous prie, que Maupertuis a été en Suède, et même en Laponie ; qu’il vit à Berlin en parfaite santé ; qu’il a changé la figure de la terre, et que ce changement a si bien opéré sur ces climats que les glaces n’y ont plus leur empire. L’hiver saura respecter des jours consacrés par Apollon et par Minerve à l’honneur de notre siècle. Vous voyez que jamais vie n’a été plus en sûreté que la vôtre. J’espère qu’à présent vous serez détrompé sur tous ces préjugés désavantageux à notre climat, et que vous me mettrez un jour à même de vous assurer de bouche de l’estime infinie avec laquelle je suis votre affectionnée,

Ulrique.

1750. — À M. DE MAUPERTUIS.
Paris, samedi 31 juillet.

On dit que vous partez[1] ce soir. Si cela est, je suis bien plus à plaindre d’être malade que je ne pensais. Je comptais venir vous embrasser, et je suis privé de cette consolation. J’avais beaucoup de choses à vous dire. S’il est possible que vous passiez dans la rue Traversière, où je suis actuellement souffrant, vous verrez un des hommes qui ont toujours eu le plus d’admiration pour vous, et à qui vous laissez les plus tendres regrets.


1751. — À M. LE MARQUIS D’ARGENSON,
ministre des affaires étrangères.
Le 10 août.

Je viens, monseigneur, de recevoir le portrait du plus joufflu saint-père que nous ayons eu depuis longtemps. Il a l’air d’un

  1. Pour Berlin.