Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/48

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’action du soleil, à un degré de chaleur donné, dans un temps donné, élève d’eau pour la résoudre ensuite en pluies par le secours des vents ?

Vous dites, monsieur, que vous trouvez très-mal imaginé ce que plusieurs auteurs avancent, que les neiges et les pluies suffisent à la formation des rivières ; comptez que cela n’est ni bien ni mal imaginé, mais que c’est une vérité reconnue par le calcul. Vous pouvez consulter sur cela Mariotte et les Transactions d’Angleterre.

En un mot, monsieur, s’il m’est permis de répondre à l’honneur de votre lettre par des conseils, lisez les bons auteurs qui n’ont que l’expérience et le calcul pour guides ; et ne regardez tout le reste que comme des romans indignes d’occuper un homme qui veut s’instruire.

J’ai l’honneur d’être, etc.


1430. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Ohlau, 16 avril.

Je connais les douceurs d’un studieux repos ;
Disciple d’Épicure, amant de la Mollesse,
Entre ses bras, plein de faiblesse,
J’aurais pu sommeiller à l’ombre des pavots.

Mais un rayon de gloire animant ma jeunesse
Me fit voir d’un coup d’œil les faits de cent héros ;
Et, plein de cette noble ivresse,
Je voulus surpasser leurs plus fameux travaux.

Je goûte le plaisir, mais le devoir me guide.
Délivrer l’univers de monstres plus affreux
Que ceux terrassés par Alcide,
C’est l’objet salutaire auquel tendent mes vœux.

Soutenir de mon bras les droits de ma patrie,
Et réprimer l’orgueil des plus fiers des humains,
Tous fous de la vierge Marie,
Ce n’est point un ouvrage indigne de mes mains.

Le bonheur, cher ami, cet être imaginaire,
Ce fantôme éclatant qui fuit devant nos pas,
Habite aussi peu cette sphère
Qu’il établit son règne au sein de mes États.

Aux berceaux de Reinsberg, aux champs de Silésie,
Méprisant du bonheur le caprice fatal,
Ami de la philosophie,
Tu me verras toujours aussi ferme qu’égal.