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livres à l’inventaire de la bibliothèque de Lancelot[1] ? Le roi de Prusse a renvoyé votre bibliothécaire Dumolard. Il paraît qu’il ne paye pas les arts comme il les cultive, ou peut-être Dumolard s’est-il lassé d’attendre. Je lui rendrai toujours tous les services qui dépendront de moi vous ne doutez pas que je ne m’intéresse vivement à un homme que vous protégez.

Je serais bien curieux de voir ce que vous avez rassemblé sur l’Histoire de France. Vous vous êtes fait une belle occupation, et bien digne de vous. Je vis toujours dans l’espérance de m’instruire un jour auprès de vous, et de profiter des agréments de votre commerce ; mais la vie se passe en projets, et on meurt avant d’avoir rien fait de ce qu’on voulait faire. Il est bien triste d’être à Bruxelles quand vous êtes à Paris. Mme du Châtelet, qui sent comme moi tout ce que vous valez, vous fait mille compliments. Quand vous passerez par la rue de Beaune, souvenez-vous de moi.

Vous savez que le prince Charles de Lorraine vient à Bruxelles ; que le prince royal de Saxe n’épouse plus l’archiduchesse ; et que la chose du monde dont on s’aperçoit qu’on peut se passer le plus aisément, c’est un empereur.


1440. — À M. DE LA NOUE,
entrepreneur des spectacles, à lille.
Bruxelles, mai.

Mon cher faiseur et embellisseur de Mahomets, j’apprends à l’instant que Paris vous désire, et que MM. les ducs de Rochechouart et d’Aumont doivent vous engager, s’ils ne l’ont déjà fait, à venir dans une capitale où les grands talents doivent se rendre. Ils veulent que vous veniez avec Mlle Gautier. Allez donc orner Paris l’un et l’autre, et puissé-je vous y trouver bientôt ! Je me recommande à vous quand vous serez dans votre royaume. Allons donc ! que Mlle Gautier travaille de toutes ses forces ; qu’elle mette plus de variété dans son récit ; qu’elle joigne tout ce que peut l’art à tout ce que la nature a fait pour elle elle est faite pour être le charme du théâtre comme celui de la société. Je la remercie de l’honneur qu’elle a fait à une certaine Palmire. Je vous prie d’écrire à monsieur son père que vous le priez de

  1. Antoine Lancelot, mort le 8 novembre 1740. Ce savant littérateur laissa une bibliothèque fort riche, dont le Catalogue fut publié par G. Martin en 1741.