Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/225

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En effet, il est tout cela, et tout va bien, et on est heureux. Salomon était un pauvre homme en comparaison de lui. Il ne lui manque que de connaître un peu plus tôt ses Baculards. Je vous remercie, mon cher et respectable ami, de la lettre que vous m’avez écrite sur ce malheureux correspondant de Fréron. Et on souffre des Frérons ! et ils sont protégés ! et on veux que je revienne !


Virtutem incolumem odimus,
Sublatam ex oculis quærimus, invidi
 !

(Hor., lib. III, od. xxiv, v. 31.)

On a tant fait, à force d’équité et de bonté, qu’on m’a chassé de mon pays. Les orages m’ont conduit dans un port tranquille et glorieux ; je ne le quitterai absolument que pour vous.


2160. — À MADAME LA MARGRAVE DE BAIREUTH[1].
À Berlin, 19 décembre 1750.

Madame, les ordres de Votre Altesse royale ont croisé mes hommages, et je me mettais à ses pieds quand elle daignait m’écrire. J’ai souhaité pour M. le marquis d’Adhémar, c’est-à-dire pour Vos Altesses royales, qu’il fût à votre cour ; permettez-moi, madame, d’avoir l’honneur de vous dire qu’il est bien difficile de lui proposer de porter en poche des lettres de recommandation[2]. Ce serait de lui que des hommes peu connus en prendraient pour être présentés. Il est fils du grand maréchal du roi Stanislas, et il n’a tenu qu’à lui d’être chambellan à cette cour avec tous les agréments que sa naissance et son mérite peuvent procurer. Le goût seul de la guerre l’en a empêché. C’est un des meilleurs officiers qu’ait le roi de France. Il était capitaine de cavalerie ; on lui avait promis un régiment. On ne lui a pas tenu parole. Il devait être employé comme ministre du roi à Bruxelles. On lui a manqué encore. Voilà sa situation. J’ai imaginé que le chagrin d’être inutile et l’idée qu’il a de Votre Altesse royale pourraient le déterminer à s’attacher à votre cour. Je demande d’abord en grâce à Votre Altesse royale de souffrir que je n’en parle à M. d’Adhémar que quand elle sera instruite de son mérite. Il sera aisé de charger le ministre du roi de s’en

  1. Revue française, 1er février 1866 ; tome XIII, page 204.
  2. Voyez la lettre 2157.