M. de Voltaire ne manquera pas de reconnaître ce service qu’il attend de votre probité. Par ma foi, voilà autant pour le brodeur. Ce service est si mince et je m’en glorifierai si peu que M. de Voltaire sera assez reconnaissant s’il veut bien avoir la bonté de l’oublier. Il vous a fait beaucoup de reproches que vous ne méritez pas. J’en suis au désespoir ; dites-lui donc que nous sommes amis, et que ce n’est qu’un excès d’amitié qui vous a fait faire cette faute, si c’en est une de votre part. Voilà assez pour gagner le pardon d’un philosophe, etc.
On vous a déjà écrit, monsieur, pour vous prier de rendre l’exemplaire qu’on m’a dérobé et qu’on a remis entre vos mains. Je sais qu’il ne pouvait être confié à un homme moins capable d’en abuser et plus capable de le bien traduire. Mais comme j’ai depuis corrigé beaucoup cet ouvrage, et que j’y ai fait insérer plus de quarante cartons, vous me feriez un tort considérable de le traduire dans l’état où vous l’avez. Vous m’en feriez un beaucoup plus grand encore de souffrir qu’on imprimât le livre en français ; vous ruineriez M. de Francheville, qui est un très-honnête homme et qui est l’éditeur de cet ouvrage. Vous sentez qu’il serait obligé de porter ses plaintes au public et aux magistrats de Saxe. Rien ne pourrait vous nuire davantage et vous fermer plus certainement le chemin de la fortune. Je serais très-affligé si la moindre négligence de votre part, dans cette affaire, mettait M. de Francheville dans la cruelle nécessité de rendre ses plaintes publiques.
Je vous prie donc, monsieur, de me renvoyer l’exemplaire qu’on vous a déjà redemandé en mon nom : c’est un vol qu’on m’a fait. Vous avez trop de probité pour ne pas réparer le tort que j’essuie.
Je serai très-satisfait que non-seulement vous traduisiez le livre en allemand, mais que vous le fassiez paraître en italien, ainsi que vous l’avez dit au précepteur des enfants de M. de Schulembourg. Je vous renverrai l’ouvrage entier avec tous les cartons