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tant que vous êtes, et aimez mon ombre, qui vous aime de tout son cœur.


2199. — LE BARON DE MARSCHALL À L’ABBÉ DANÈS[1],
à paris.
De Berlin, le 23 février 1751.

Vous me mandiez, monsieur, au sujet de l’affaire de M. de Voltaire, que vous étiez persuadé qu’il était incapable de ce dont on l’accusait. Ce qui vient de se passer ici justifie la bonne opinion que vous avez de lui et que toute notre cour a eue. Son procès a été jugé jeudi dernier, à son honneur et gloire, et le juif joaillier condamné dans toutes les formes. M. de Voltaire avait acheté pour trois mille écus de bijoux qui n’en valaient pas mille, et comme la lésion est au-dessus de la moitié, le contrat a été regardé comme nul. Voilà le premier point du procès. Le second avait pour objet une lettre de change de dix mille francs, dont M. de Voltaire a cru devoir arrêter le payement. Cette affaire, simple en elle-même, a été embrouillée par tout ce que la chicane emploie ordinairement pour éloigner sa condamnation. Le grand chancelier et nos premiers magistrats ont été nommés commissaires dans cette cause, et leur jugement a été attendu avec d’autant plus d’impatience que les honnêtes gens étaient persuadés qu’il serait dicté par l’équité même. Je suis charmé de vous apprendre cette nouvelle, qui vous fera autant de plaisir qu’elle m’en a fait, par l’intérêt que je sais que vous prenez à tout ce qui regarde ce grand homme, etc.

Marschall.

2200. DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Potsdam, 24 février 1751.

J’ai été bien aise de vous recevoir chez moi ; j’ai estimé votre esprit, vos talents, vos connaissances, et j’ai dû croire qu’un homme de votre âge, lassé de s’escrimer contre les auteurs, et de s’exposer à l’orage, venait ici pour se réfugier comme en un port tranquille ; mais vous avez d’abord, d’une façon assez singulière, exigé de moi de ne point prendre Fréron pour m’écrire des nouvelles. J’ai eu la faiblesse ou la complaisance de vous l’accorder, quoique ce n’était pas à vous de décider de ceux que je prendrais en service. D’Arnaud a eu des torts envers vous ; un homme généreux les lui eût pardonnes : un homme vindicatif poursuit ceux qu’il prend en haine. Enfin, quoique d’Arnaud ne m’ait rien fait, c’est par rapport à vous qu’il est parti d’ici. Vous avez été chez le ministre de Russie[2] lui parler d’affaires dont vous n’aviez

  1. Cette lettre est extraite des Mémoires sur Voltaire, par Longchamp et Wagnière, tome II, page 311.
  2. M. de Gross, qui avait quitté Berlin vers la fin de 1750 ; voyez la note 3 de la page 235.