Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/266

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en raisonne, et demain personne n’en parlera. Vanité des vanités ! Adieu.


2205. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Ce samedi.

Sire, toutes choses mûrement considérées, j’ai fait une lourde faute d’avoir un procès contre un juif, et j’en demande bien pardon à Votre Majesté, à votre philosophie, et à votre bonté. J’étais piqué, j’avais la rage de prouver que j’avais été trompé. Je l’ai prouvé, et après avoir gagné ce malheureux procès, j’ai donné à ce maudit Hébreu plus que je ne lui avais offert d’abord, pour reprendre ses maudits diamants, qui ne conviennent point à un homme de lettres. Tout cela n’empêche pas que je ne vous aie consacré ma vie. Faites de moi tout ce qu’il vous plaira. J’avais mandé à Son Altesse royale Mme la margrave de Baireuth que frère Voltaire était en pénitence. Ayez pitié de frère Voltaire. Il n’attend que le moment de s’aller fourrer dans la cellule du Marquisat. Comptez, sire, que frère Voltaire est un bon homme, qu’il n’est mal avec personne, et surtout qu’il prend la liberté d’aimer Votre Majesté de tout son cœur. Et à qui montrerez-vous les fruits de votre beau génie, si ce n’est à votre ancien admirateur ? Il n’a plus de talent, mais il a du goût, il sent vivement, et votre imagination est faite pour son âme. Il est tout pétri de faiblesses, mais assurément sa plus grande est pour vous. Il n’est point intéressé comme on vous l’a dit, et il ne cherche dans Votre Majesté que vous-même. Il est bien malade, mais vos bontés lui rendront peut-être la santé ; en un mot, sa vie est entre vos mains. V.

J’apprends que Votre Majesté me permet de m’établir pour ce printemps au Marquisat. Je lui en rends les plus humbles grâces. Elle fait la consolation de ma vie.


2206. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Potsdam, 28 février 1751.

Si vous voulez venir ici, vous en êtes le maître. Je n’y entends parler d’aucun procès, pas même du vôtre. Puisque vous l’avez gagné, je vous en félicite, et je suis bien aise que cette affaire soit finie. J’espère que vous n’aurez plus de querelle ni avec le Vieux ni avec le Nouveau Testament : ces sortes de compromis sont flétrissants, et avec les talents du plus bel esprit de France, vous ne couvririez pas les taches que cette conduite imprimerait à la longue à votre réputation. Un libraire Gosse, un violon de