Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/268

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parence que j’en donne sitôt une à Votre Altesse royale : la raison en est que de deux choses l’une, ou je mourrai ici de la poitrine, ou j’irai en Italie avant de revoir Paris ; mais, madame, soyez très-sûr que mon cœur préférera en secret le séjour de Baireuth à Saint-Pierre de Rome et à la place Saint-Marc. Les bénédictions du pape et les pantalonnades vénitiennes ne valent pas assurément l’honneur de vous approcher et le plaisir de vous entendre. Je me mets aux pieds de monseigneur le margrave, et je renouvelle à Vos Altesses royales les très-profonds respects et le sincère attachement du pauvre malade frère Voltaire.

Vos bontés pour M. de Montperny, dont il est si digne, semblent me mettre en droit de faire ici des vœux pour sa santé. Un bon moine doit prier pour tous les frères.


Voltaire.

2208. — À M. DARGET.
À Berlin, 2 mais 1751.

Mon cher ami, vous ne répondez ni à mes empressements, ni à mes questions, ni à mes doléances. Je suis toujours très-malade, et je présume que le roi daignera me recevoir avec bonté quand je serai en état de lui aller faire ma cour. Je m’imagine aussi que c’est pour ses bibliothèques qu’il destine les exemplaires que j’ai eu l’honneur de lui envoyer. Milord m’avait effrayé avant-hier. J’avais traîné ma mourante machine chez la sienne, qui n’était pas en meilleur état. C’était une visite d’un bord du Styx à l’autre. Le crieur d’enterrement du docteur Patridor aurait pu nous soutenir à tous deux que nous étions ses pratiques ; mais cela va au mieux aujourd’hui chez le gros et vigoureux corps anglais, et fort mal chez mon maigre individu. Ayez soin de votre santé, et n’oubliez pas tout à fait les misérables.


2209. — À M. FORMEY.
Mars.

Voulez-vous, monsieur, venir manger le rôt du roi, aujourd’hui jeudi, philosophiquement, et chaudement, et doucement, à deux heures ? Deux philosophes peuvent, sans être courtisans, dîner dans le palais d’un roi philosophe. Je prendrai même la liberté de vous envoyer un carrosse de Sa Majesté, à deux heures précises.