Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/281

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une coquette pour le public, et je voudrais être un peu désiré. Je ne vous parlerai point d’une certaine tragédie d’Oreste, plus faite pour des Grecs que pour des Français ; mais il me semble qu’on pourrait reprendre cette Sémiramis que vous aimiez, et dont M. l’abbé de Chauvelin était si content.

Puisque j’ai tant fait que de courir la carrière épineuse du théâtre, n’est-il pas un peu pardonnable de chercher à y faire reparaître ce que vous avez approuvé ? Les spectacles contribuent plus que toute autre chose, et surtout plus que du mérite, à ramener le public, du moins la sorte de public qui crie. J’espère que le Siècle de Louis XIV ramènera les gens sérieux, et n’éloignera pas de moi ceux qui aiment les arts et leur patrie. Je suis si occupé de ce Siècle que j’ai renoncé aux vers et à tout commerce, excepté vous et Mme  Denis. Quand je dis que j’ai renoncé aux vers, ce n’est qu’après avoir refait une oreille à Zulime et à Adélaïde. Savez-vous bien que mon Siècle est presque fait, et que lorsque j’en aurai fait transcrire deux bonnes copies, je revolerai vers vous ? C’est, ne vous déplaise, un ouvrage immense. Je le reverrai avec des yeux sévères ; je m’étudierai surtout à ne rendre jamais la vérité odieuse et dangereuse. Après mon Siècle, il me faut mon ange. Il me reverra plus digne de lui. Mes tendres respects à la Porte-Maillot. Voyez-vous quelquefois M. de Mairan ? voulez-vous bien le faire souvenir de moi ? Son ennemi[1] est un homme un peu dur, médiocrement sociable, et assez baissé ; mais point de vérité odieuse. Valete, o cari !


2230. — DE MADAME DENIS
à m. berryer, lieutenant général de police.
Ce 5 mai 1751.

Dans la crainte où je suis, monsieur, que vous n’ayez pas reçu ma lettre que j’ai eu l’honneur de vous écrire pour vous prier d’ordonner la levée du scellé mis sur des papiers volés à M. de Voltaire par Longchamp, son valet de chambre, et une femme nommée Lafond, je vous réitère mes prières, afin que ces papiers me soient rendus, comme vous et M. le comte d’Argenson me l’avez promis. L’huissier m’a dit qu’on avait trouvé chez Longchamp deux manuscrits entiers de Rome sauvée, et le Voltairiana ; et chez Lafond un tome de lettres manuscrites appartenantes à M. de Voltaire, et que Longchamp m’a avoué depuis avoir pris dans sa bibliothèque. Je vous demande

  1. Maupertuis avait voulu, avant de quitter Paris, dépouiller Mairan de la place de secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences.