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Rottembourg et de M. Jariges[1] comment je me suis conduit dans l’affaire Hirschell, elle verrait que j’ai agi en homme digne de sa protection, et digne d’être venu auprès de lui.

Mon nom ira peut-être à la suite du vôtre à la postérité, comme celui de l’affranchi de Cicéron. J’espère que, en attendant, le Cicéron, l’Horace et le Marc-Aurèle de l’Allemagne me fera achever ma vie en l’admirant et en le bénissant.

Je supplie Votre Majesté de daigner me renvoyer les lettres.


2244. — À MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT.
À Potsdam, ce dernier de mai.

Apparemment, madame, que mon camarade d’Hamon sert son roi aussi vite qu’il rend tard les lettres des particuliers. J’aurais bien voulu faire, dans ce mois de juin où nous sommes, ce voyage dont il parle ; et, en vérité, madame, vous en seriez un des principaux motifs. J’aurais pu même prendre l’occasion du voyage que fait le roi mon nouveau maître dans le pays qu’habitait autrefois la princesse de Clèves ; mais ce voyage sera fort court, et je lui ai promis de rester chez lui jusqu’au mois de septembre. Il faut tenir sa parole aux rois, et surtout à celui-là ; d’ailleurs il m’inspire tant d’ardeur pour le travail que, si je n’avais pas appris à m’occuper, je l’apprendrais auprès de lui. Je n’ai jamais vu d’homme si laborieux. Je rougirais d’être oisif, quand je vois un roi qui gouverne quatre cents lieues de pays tout le matin, et qui cultive les lettres toute l’après-dinée. Voilà le secret d’éviter l’ennui dont vous me parlez ; mais pour cela il faut avoir la rage de l’étude comme lui, et comme moi son serviteur chétif.

Quand il vient de Paris quelques livres nouveaux, tout pleins d’esprit qu’on n’entend point, tout hérissés de vieilles maximes rebrochées et rebrodées avec du clinquant nouveau, savez-vous bien, madame, ce que nous faisons ? nous ne les lisons point. Tous les bons livres du siècle passé sont ici ; et cela est fort honnête : on les relit pour se préserver de la contagion.

Vous me parlez de deux éditions de mes sottises. Il est bien clair, madame, que la moins ample est la moins mauvaise. Je n’ai vu encore ni l’une ni l’autre. Je les condamne toutes, et je pense que, comme il ne faut point publier tout ce qu’ont fait les rois, mais seulement ce qu’ils ont fait de mémorable, il ne faut

  1. L’un des juges à qui fut soumis le procès de Voltaire avec Hirschell.