Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/324

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l’accommode pas. J’ai bien envie de m’escrimer contre cet impertinent, et de me moquer de lui ; il le mérite, mais il n’en vaut pas la peine.

Votre Majesté arrange à présent des bataillons en attendant qu’elle arrange des stropbes et des épisodes. Ses odes l’attendent à Potsdam, à moins qu’elle ne veuille m’en envoyer quelqu’une de Silésie[1].


Chaque chose à la fin dans sa place est remise.
Isac[2], après mille détours,
Vient de fixer ses pas, son caprice et ses jours
Auprès de Sans-Souci, dans sa terre promise.
Moi, je vais fixer mon destin
Dans la chambre où Jordan, de savante mémoire,
Commentait à la fois saint Paul et l’Arétin,
Sans savoir des deux à qui croire.

Unir les opposés est un secret bien doux ;
Il tient l’âme en haleine, il exerce le sage.
Je connais un héros dont l’âme a tous les goûts,
Tous les talents, tout l’art de les mettre en usage,
Et je ne sais encor s’il est connu de vous.


Je mets aux pieds de Votre Majesté V.


2275. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
Berlin, 31 août.

Mon héros, un domestique de ma nièce m’apporta hier deux lettres de vous, qui m’ont fait tant de plaisir, qui m’ont pénétré de tant de reconnaissance, que moi, qui suis prime-sautier, comme dit Montaigne[3], je partirais sur-le-champ pour venir vous remercier si je pouvais partir. Vous avez les mêmes bontés pour mes musulmans que pour vos calvinistes des Cévennes. Dieu vous bénira d’avoir protégé la liberté de conscience. Faire jouer le prophète Mahomet à Paris, et laisser prier Dieu en français, dans vos montagnes du Languedoc, sont deux choses qui m’édifient merveilleusement ; mais vous croyez bien que je suis plus sensible à la première. Je vous dois des cantiques d’actions

  1. Frédéric partit de Berlin pour la Silésie le 25, août, et revint le 15 septembre.
  2. Le marquis d’Argens, qui arriva à Potsdam le 26 août.
  3. « Primsaultier », livre II, chap. x.