Vanitas vanitatum[1] ! Tous ces recueils assommants de mémoires assommants pour l’esprit humain, d’histoires des sciences, de projets pour les arts, de compilations, de discours vagues, d’hypothèses absurdes, de disputes dignes des petites-maisons, tout cela tombe dans le gouffre de l’oubli ; il n’y a que les ouvrages de génie qui restent. L’Orlando furioso a enterré plus de dix mille volumes de scolastique ; aussi je lis l’Arioste, et point du tout Scott, saint Thomas, etc., etc. Portez-vous bien ; il n’y a que cela de bon. Tuus sum ; tua non tueor, quia nihil tucor ; sed tibi addictus ero.
Vous aviez si bien orthographié, monsieur, ou j’avais si mal lu, que j’avais lu dans votre lettre M. de Mouhy au lieu de Mongri[2] ; ce sont deux personnes fort différentes.
Le Manet alta mente repostum[3] me conviendrait mal. Je vous dirai ingénument le fait. On me montra avant-hier un passage extrait de votre Bibliothèque impartiale, où vous dites que je suis un plagiaire, quoique vous m’ayez dit et écrit que vous n’avez jamais rien imprimé contre moi. Vous dites dans ce passage que dans la Henriade j’ai pillé un certain, poëme de Clovis d’un nommé Saint-Didier. Ceux qui savent que ce poëme de Saint-Didier existe savent aussi qu’il fut fait plusieurs années après la Henriade. Vous voyez, monsieur, que vous auriez quelque réparation à me faire, aussi bien qu’au public et à la vérité, et que j’aurais quelque droit de me plaindre d’un outrage que j’ai si peu mérité, et que ma conduite envers vous ne me faisait pas attendre. J’ignore en quel endroit est le passage où vous m’avez outragé ; tout ce que je sais, c’est que je l’ai vu avant-hier au matin, et qu’il ne tiendra qu’à vous que je l’oublie pour jamais.
Si vous avez quatre jours à vivre, j’en ai deux, et il faut passer ces deux jours doucement. Si vous êtes philosophe, je tâche de l’être : voilà d’où je pars, monsieur, pour achever notre petit