Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/439

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veut point sortir. Vous allez, madame, avoir une nouvelle belle-sœur. Tout se prépare pour des fêtes brillantes ; mais elles ne vaudront pas à mes yeux celles que j’ai vues il y a deux ans. Vous les embellissiez, et, d’ailleurs, un vieux philosophe retiré doit-il se produire à de nouvelles mariées ? Suis-je fait pour être garçon de la noce ? Je fais des vœux en bon moine pour les grands succès de monseigneur le prince Henri.


Plaisirs, Grâces, Amours, troupe jeune et légère,
Voltigez près du lit où ce prince est couché ;
Avec vous je n’ai rien à faire,
Et plus que vous j’en suis fâché.


Je présente mes profonds respects et mon dévouement inviolable à Votre Altesse royale, et à monseigneur le margrave. M. de Montperny a-t-il oublié


Frère Voltaire ?

2381. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Potsdam, le 3 juin.

Mon cher ange, me voilà plus que jamais dans l’histrionage. J’envoie Amélie à Paris, et je reçois la Coquette punie[1]. Cette coquette me tient bien plus au cœur que l’autre. Je sens qu’on aime mieux quelquefois son petit-fils que son propre enfant. Je n’ose donner de conseil à ma nièce, que je regarde comme ma fille ; je crains de la priver d’un succès, et d’affliger sa passion, si je lui conseille de ne pas donner un ouvrage sur lequel elle est piquée, et qui lui a tant coûté. Je crains encore plus de l’exposer à une chute ou à une réception froide, qui vaut une chute. Je ne sais point d’ailleurs quel est le goût de Paris, où tout est mode. Je me vois dans la nécessité de suspendre mon jugement. Peut-être j’entrevois ce qu’on pourrait faire pour rendre cet ouvrage soutenu, attachant, et comique ; mais peut-être aussi que j’entrevois mal. D’ailleurs on ne fait point passer ses propres idées dans une autre tête. On part d’un principe ; l’auteur est parti d’un autre auquel il se tient. De grands changements coûtent beaucoup, de petits servent à peu de chose : ainsi je me vois tout aussi embarrassé dans ma critique que dans le conseil qu’on me demande pour donner la pièce ou ne la donner pas. Tout ce que je sais, c’est que des pièces qui ne valent pas une tirade de

  1. Pièce de Mme Denis.