Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/504

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je souhaite que le principe mathématique dont il est question serve beaucoup à prouver l’existence d’un Dieu ; mais j’ai peur que ce procès ne ressemble à celui du Lapin et de la Belette[1] qui plaidèrent pour un trou fort obscur.

Mes compliments, s’il vous plaît, à M. de Jariges. Tuussum. V.


2440. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Potsdam, le 3 octobre.

Mon cher ange, le Siècle (c’est-à-dire la nouvelle édition, la seule qui soit passable) était déjà presque tout imprimé ; il m’est par conséquent impossible de parler, cette fois-ci, de la petite épée que cacha monsieur votre oncle sous son cafetan. J’ai rayé bien exactement cette épithète de petit attribuée au concile d’Embrun ; j’ai recommandé à ma nièce d’y avoir l’œil, et je vous prie de l’en faire souvenir. Je voudrais de tout mon cœur qu’il fût regardé comme le concile de Trente, et que toutes les disputes fussent assoupies en France ; mais il paraît que vous en êtes bien loin. Le siècle de la philosophie est aussi le siècle du fanatisme.

Il me paraît que le roi a plus de peine à accorder les fous de son royaume qu’il n’en a eu à pacifier l’Europe. Il y a en France un grand arbre, qui n’est pas l’arbre de vie, qui étend ses branches de tous côtés, et qui produit d’étranges fruits. Je voudrais que le Siècle de Louis XIV pût produire quelque bien. Ceux qui liront attentivement tout ce que j’y dis des disputes de l’Église pourront, malgré tous les ménagements que j’ai gardés, se faire une idée juste de ces querelles ; ils les réduiront à leur juste valeur, et rougiront que, dans ce siècle-ci, il y ait encore des troubles pour de telles chimères. Un petit tour à Potsdam ne serait pas inutile à vos politiques : ils y apprendraient à être, philosophes.

Mon cher ange, les beaux-arts sont assurément plus agréables que ces matières ; une tragédie bien jouée est plus faite pour un honnête homme. Mais me demander que je songe à présent au Duc de Foix et à Rome sauvée, c’est demander à un figuier qu’il porte des figues en janvier ; car ce n’était pas le temps des figues[2]. Je me suis affublé d’occupations si différentes, toute idée de

  1. La Fontaine, livre VII. fable xvi ; le Chat, la Belette, et le petit Lapin.
  2. Marc, xi, 13 ; voyez aussi Mathieu, xi, 19.