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je soupe avec le roi. C’est le festin de Damoclès. J’ai besoin d’être aussi philosophe que le vrai Platon l’était chez le vrai Denis.


2450. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
1752.

La nature, pour moi plus marâtre que mère,
Ne m’a point accordé le don
D’entonner au sacré vallon
Les chants mélodieux de Virgile et d’Homère ;
Et lorsqu’elle doua Voltaire
D’un plus vaste génie et des traits d’Apollon,
Me laissant un regard sévère,
Elle me donna la raison.


C’est mon lot que cette vieille raison, ce bon sens qui trotte par les rues : il peut suffire pour ne pas se noyer dans la rivière quand on voit un pont sur lequel on peut la passer. Ce bon sens est ce qu’il faut pour se conduire dans la vie commune ; mais cette même raison, qui m’avertit d’éviter un précipice quand j’en vois un sur mon passage, m’apprend à ne pas sortir de ma sphère et à ne point entreprendre au-dessus de mes forces. C’est pourquoi, en me rendant justice, et en avouant que mes vers sont mal faits, ma raison est assez éclairée pour me faire admirer les vôtres. Je vous remercie de M. de Coucy[1] qui est, selon moi, votre chef-d’œuvre tragique. Quant à l’empereur Julien[2], il pourra devenir excellent si vous y ajoutez les raisons pour et contre sa conversion, et que vous retranchiez, dans ce que j’ai lu, l’endroit où vous effleurez ce sujet, qui est trop faible en comparaison des arguments forts que vous ajouterez.


2451. — À M. LE CHEVALIER DE LA TOUCHE[3].

Monsieur l’envoyé de France est très-humblement supplié de vouloir bien permettre que le courrier se charge encore de cette lettre pour Mme Denis[4] à qui je fais part de toutes les bontés dont monsieur l’envoyé m’honore. Le courrier m’a appris que tous les paquets qu’on met à la poste de Cologne pour la France

  1. La tragédie du Duc d’Alençon.
  2. Il s’agit sans doute de l’esquisse de l’article Apostat du Dictionnaire.
  3. Envoyé de France à Berlin. — Cette lettre est extraite du volume de M. Th. Foisset, intitulé « Correspondance inédite de Voltaire avec Frédéric II, le président de Brosses et autres personnages… Paris, A. Levavasseur, libraire, place Vendôme, 16 ; 1836 », in-8° ; ou : « Voltaire et le président de Brosses, correspondance inédite, suivie d’un supplément à la correspondance de Voltaire avec le roi de Prusse et d’autres personnages… Nouvelle édition, Paris, à la Librairie académique Didier et Cie, 1858 », in-8°.
  4. Probablement la lettre du 15 octobre.