Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/553

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Vous vous souvenez de cette belle lettre[1] qui ne vous a jamais rassurée. Vous êtes philosophe, disait-il ; je le suis de même. Ma foi, sire, nous ne le sommes ni l’un ni l’autre.

Ma chère enfant, je ne me croirai tel que quand je serai avec mes pénates et avec vous. L’embarras est de sortir d’ici. Vous savez ce que je vous ai mandé dans ma lettre[2] du 1er novembre. Je ne peux demander de congé qu’en considération de ma santé. Il n’y a pas moyen de dire : « Je vais à Plombières », au mois de décembre.

Il y a ici une espèce de ministre du saint Évangile, nommé Pérard[3], né comme moi en France ; il demandait permission d’aller à Paris pour ses affaires : le roi lui fit répondre qu’il connaissait mieux ses affaires que lui-même, et qu’il n’avait nul besoin d’aller à Paris.

Ma chère enfant, quand je considère un peu en détail tout ce qui se passe ici, je finis par conclure que cela n’est pas vrai, que cela est impossible, qu’on se trompe, que la chose est arrivée à Syracuse, il y a quelque trois mille ans. Ce qui est bien vrai, c’est que je vous aime de tout mon cœur, et que vous faites ma consolation.


2486. — À M. LE MARQUIS DE THIBOUVILLE.
À Berlin, le 18 décembre.

Mon cher duc de Foix, il faut donc que Sceaux ait toujours des Baron ; mais le théâtre n’a pas toujours des Lecouvreur. C’est pour elle que le rôle d’Amélie avait été fait[4] ; elle ne sera pas remplacée. La vieille enfant qui joue dans l’Oracle et dans Zaïre[5] ne peut que faire tomber mon Duc.


Tranquille dans le crime, et fausse avec douceur,

(Zaïre, acte IV, scène vii.)


elle ne sera pas fâchée de faire des niches à l’oncle et à la nièce. Je suis très-fâché que Mme Denis se soit compromise avec ce tripot :

  1. Du 23 août 1750.
  2. Cette lettre n’est pas connue.
  3. Jacques de Pérard, de l’Académie de Berlin. De 1746 à 1750, il travailla, avec Formey, à la Nouvelle Bibliothèque germanique.
  4. Adrienne Lecouvreur mourut le 20 mars 1730, et la tragédie d’Adélaïde du Guesclin, dont Amélie, ou le Duc de Foix est une sorte de copie, ne fut commencée, au plus tôt, qu’à la fin de 1732. (Cl.)
  5. Mlle Gaussin. — L’Oracle est une petite comédie de Saint-Foix.