Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/61

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ment de le mettre dans mon parti. Il est assurément bien disposé ; il est indigné de la monstrueuse farce dans laquelle Cicéron a été représenté comme le plus imbécile des hommes. Il m’en écrit encore avec émotion. Je lui ai promis un premier acte ; dégagez ma parole, mon respectable ami.

Comptez que la scène de César et de Catilina fera plaisir à tout le monde, et surtout au président Hénault. Soyez sûr que tous ceux qui ont un peu de teinture de l’histoire romaine ne seront pas fâchés d’en voir un tableau fidèle. J’avais oublié de vous dire que le sujet de cette tragédie est encore moins Catilina que Rome sauvée. C’est là, je crois, son vrai nom, si on n’aime mieux l’appeler Cicéron et Catilina.

Ces misérables comédiens allaient jouer tranquillement l’Amant précepteur[1], où il y avait cinquante vers contre moi, que ce bon Crébillon avait autorisés gracieusement du sceau de la police. Ma nièce les a fait retrancher. C’est une obligation que j’ai aux attentions de Mlle  Gaussin, malgré ses infâmes confrères, qui ne songeaient qu’à gagner de l’argent avec la boue qu’on me jette.

Me voilà comme Cicéron, je combats la canaille ; j’espère ne point trouver de Marc-Antoine, mais j’ai trouvé en vous un Atticus.

Mme  du Châtelet joue la comédie, et travaille à Newton, sur le point d’accoucher.

Pas un mot de lettre de monsieur le coadjuteur.


2002. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
À Lunéville, le 28 août.

J’attends la décision de mes oracles ; mais je les supplie de se rendre à mes justes raisons. Je viens de recevoir une lettre de Mme  de Pompadour pleine de bonté ; mais, dans ces bontés mêmes qui m’inspirent la reconnaissance, je vois que je lui dois écrire encore, et ne laisser aucune trace dans son esprit des fausses idées que des personnes qui ne cherchent qu’à me nuire ont pu lui donner.

Soyez très-convaincu, mon cher et respectable ami, que j’aurais commis la plus lourde faute et la plus irréparable si je ne m’étais pas hâté d’informer Mme  de Pompadour de mon travail, et d’intéresser la justice et la candeur de son âme à tenir la balance égale, et à ne pas souffrir qu’une cabale envenimée.

  1. C’est-à-dire le Faux Savant, ou l’Amour précepteur, comédie de Duvaure jouée en cinq actes dès 1728, et en trois seulement le 13 août 1749.