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beau-père de son maître. Voilà mes raisons, sire. J’ajouterai que je vous étais tendrement attaché avant qu’aucun de ceux que vous avez comblés de vos bienfaits eût été connu de Votre Majesté, et je vous demande une marque qui puisse apprendre à Lunéville et sur la route de Berlin que tous daignez m’aimer. Permettez-moi encore de dire que la charge[1] que je possède auprès du roi mon maître, étant un ancien office de là couronne qui donne les droits de la plus ancienne noblesse, est non-seulement très-compatible avec cet honneur que j’ose demander, mais m’en rend plus susceptible. Enfin c’est l’Ordre du mérite, et je veux tenir mon mérite de vos bontés. Au reste, je me dispose à partir le mois d’octobre ; et, que j’aie du mérite ou non, je suis à vos pieds.


2008. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
À Lunéville, le 1er septembre.

Il y a bien longtemps qu’on me fait attendre le décret céleste ; je ne sais encore ce que je dois penser de Rome sauvée. J’attends vos ordres pour avoir une opinion.

Mme du Châtelet n’est point encore accouchée, mais Fulvie l’est. Je lui ai donné un enfant tout venu, au lieu de la présenter avec un gros ventre qui ne serait qu’un sujet de plaisanterie pour nos petits-maîtres.

En attendant, je vous envoie Nanine telle que tous avez voulu qu’elle fût. Je suis à l’ébauche du cinquième acte d’Électre[2], et à d’Électre sans amour. Je tâche d’en faire une pièce dans le goût de Mérope ; mais j’espère qu’elle sera d’un tragique supérieur. Je peux perdre mon temps, mais tous m’avouerez que je l’emploie.

M. de Cury m’a écrit qu’on avait ordonné un beau tombeau pour très-haut et très-puissant prince Ninus, roi d’Assyrie. Détachez, je vous en prie, M. de Bachaumont[3] aux sieurs Slodtz ; Slodtz signifie paresseux en anglais.

Il y a quelques vers biscornus dans le commencement du Catilina ; mais croyez qu’ils sont tous corrigés, et, j’ose dire, embellis. Si j’avais des copistes, vous auriez déjà la suite. Je vous le répète, mes chers et respectables amis, Catilina est ce que j’ai

  1. Celle de gentilhomme ordinaire de la chambre, accordée à Voltaire en 1745.
  2. Oreste, représenté pour la première fois le 12 janvier 1750.
  3. Louis Petit de Bachaumont, nommé dans une lettre du 28 février 1754 à d’Argental.