Aller au contenu

Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/27

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Empêchez, je vous en conjure, Bretkof de faire cette énorme sottise.

Vous savez qu’il faut absolument que je parte.

Mille tendres respects à vous et à madame.


Voltaire.

À cette lettre est annexé un petit billet avec ces mots :

Monsieur Milius n’est point en Hollande. On dit que Maupertuis l’a fait arrêter en chemin sur une accusation d’affaires d’État. La chose n’est que trop vraisemblable.

M. Godtect[1] est instamment supplié d’empêcher Brettkopf d’envoyer des Akakia à Berlin avant la foire. Ils y seraient infailliblement saisis.

Il peut y envoyer tant de Suppléments[2] qu’il voudra.


2548. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE[3].
Du 19 avril 1753.

J’étais informé, comme vous écrivîtes à Potsdam, que votre dessein était d’aller à Leipsick pour faire imprimer de nouvelles injures contre le genre humain ; mais comme je suis un grand admirateur de votre adresse, je voulus me donner le spectacle de vos artifices, et je m’amusai de vous voir débiter avec gravité la nécessité de votre voyage fabuleux aux eaux de Plombières. En vérité, nos médecins se sont avisés bien tard de les recommander à leurs malades ; je plains le chirurgien du roi de France[4] et votre nièce, qui vous attendent vainement à ces bains fameux ; je ne doute pas que vous ne soyez rétabli : il y a apparence que les imprimeurs de cette ville vous ont purgé d’une surabondance de fiel… Je ne sais si vous regrettez Potsdam ou si vous ne le regrettez pas, mais si j’en dois juger par l’impatience que vous avez marquée d’en sortir, je devrais croire que vous aviez de bonnes raisons pour vous en éloigner. Je ne veux point les examiner, et j’en appelle à votre conscience, si vous en avez une. J’ai vu la lettre que Maupertuis vous a écrite, et je vous avoue que votre lettre m’a fait admirer la subtilité et l’adresse de votre esprit. Oh ! l’homme éloquent ! Maupertuis dit qu’il saura vous trouver si vous continuez à publier des libelles contre lui, et vous le Cicéron de votre siècle, quoique vous ne soyez ni consul ni père de la patrie, vous vous plaignez à tout le monde que Maupertuis veut vous assassiner. Avouez-moi que vous étiez né pour

  1. Gottsched.
  2. Supplément au Siècle de Louis XIV.
  3. Desnoiresterres, Voltaire et Frédéric, page 419.
  4. Bajeau, chirurgien-major de la garde du roi de France.